[Résumé] « Comparaison des comportements de repos des chevaux hébergés dans des abris de différentes tailles et en box individuel » J. Kjellberg et al., 2022
Comment dorment les chevaux : comparaison entre hébergement en groupe et hébergement individuel.
Résumé
Si les chevaux se reposent majoritairement debout, ils ont également besoin de périodes de repos couché pour atteindre la phase la plus profonde du sommeil dit « paradoxal ». De récentes études montrent que les chevaux peuvent rester plusieurs jours sans se coucher mais que la privation de sommeil altère leur santé, jusqu’à les faire tomber. Ceci amène à bien réfléchir à l’aménagement de l’espace de vie des chevaux.
Sachant que les hébergements en groupe sont de plus en plus préconisés aujourd’hui pour le bien-être des animaux, Linda Kjellberg et ses collaborateurs suédois comparent les comportements de repos des chevaux hébergés en groupe à ceux hébergés seuls en box, pour déterminer la taille optimale de la zone de repos d’un hébergement en groupe permettant de garantir le repos de chaque individu.
Méthode
10 chevaux mesurant entre 1,62 m et 1,74 m au garrot sonthébergés dans une écurie ouverte. Ils sont filmés quatre fois en continu durant 72h, dans quatre configurations différentes donnant chacune accès à une surface de repos plus ou moins grande par cheval (Tableau 1).
Les chevaux sont identifiables individuellement grâce à des symboles fluorescents sur leur couverture (saison froide). Ainsi, le temps de repos couché (en décubitus sternal et latéral) et le nombre de fois que le cheval se couche sont relevés pour chaque individu.
Les résultats sont mis en relation avec la surface de repos disponible par cheval pour déterminer quelle configuration a le plus d’impact sur le repos couché.
Tableau 1.Les quatre configurations des zones de repos testées.
Lors du traitement 4, les températures trop élevées n’ont pas permis l’utilisation des couvertures, empêchant l’identification des individus sur les vidéos (*).
NDLR : Pourquoi se référer à la situation en box ? Ce protocole nous pose question. Certes, le cheval hébergé seul en box a accès à toute la surface du box en comparaison avec les chevaux hébergés en groupe qui doivent “partager” un espace commun. Mais aucune surface par cheval en groupe ne correspond à celle du box, ce qui rend la comparaison difficile. Également, bien que les chevaux ne restent au box que la nuit, il nous semble que des biais existent. Si selon les auteurs, les températures sont sensiblement les mêmes en box (non chauffés) et dans les abris, l’impact de l’isolement social ou l’accès au fourrage durant la nuit restent des biais possibles.
L’étude s’appuie sur de précédents résultats : entre autres, ceux de Raabymagle and Ladewig (2006), qui montrent que le temps passé en decubitus sternal et la fréquence des temps de repos augmentent, plus la taille du box est grande. Kjellberg et Rundgren (2010) observent quant à eux que la durée du temps couché diminue dans des box de petite taille. Nous supposons que les auteurs ont cherché à effectuer une comparaison par rapport au mode d’hébergement le plus répandu aujourd’hui, afin de mettre leurs résultats en perspective avec la littérature.
Résultats
La taille de l’espace disponible pour se coucher et la présence des congénères semblent avoir un impact sur le comportement de repos couché des individus du groupe.
Temps couché
Dans la plus petite configuration en groupe (8m² / cheval), la moyenne sur 24h du temps passé couché (sternal + latéral) des 8 chevaux observés est moitié moins importante (69 min) que dans le box (145 min., p-value p = 0,0001) et que dans la configuration 3 (130 min., p = 0,001).
La même observation est faite concernant le temps passé en décubitus latéral, positionpermettant de rentrer en sommeil paradoxal. On remarque également de grosécarts entre les individus (barre des minimum-maximum dans la figure 1).
Fréquence des couchers
Le nombre de fois moyen où le cheval se couche obtient des variations similaires avec une différence significative entre la configuration de 8m² / cheval (2,1 fois +/- 0,3) comparée au box (3,5 fois +/- 0,3, p = 0,01) et à la configuration 3 (4 fois +/- 0,5, p = 0,001).
Dans les trois configurations de groupe, environ un quart des temps de repos couché sont interrompus de forcepar un autre cheval qui vient perturber le sommeil de son congénère en s’approchant trop près (menace, grignotage de la paille à proximité, contact…).
Discussion
À la lumière de cette étude, les auteurs estiment que dans un hébergement en groupe, l’espace nécessaire au repos de chacun est supérieur à celui dans un box. Tenant compte dela taille des animaux, de la stabilité du groupe et de la personnalité des individus,l’espace de repos optimal se situeraitentre 8m² et 18m² par cheval.
De nombreuses questions restent ouvertes : vaut-il mieux plusieurs petits espaces de repos ou un seul suffisamment grand ? Un seul passage d’accès ou plusieurs ? Quels sont les impacts d’interruptions du sommeil forcées par un autre congénère ? Que révèlent les grandes différences individuelles observées dans l’étude ?
NDLR : Bien que le protocole nous semble contenir des biais et que le nombre de chevaux impliqués soit trop faible pour tirer des conclusions, les questions soulevées et les résultats individuels sont intéressants et encouragent à poursuivre les recherches sur le sujet.
En savoir plus sur le protocole
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Quelques mots sur le sommeil des chevaux
D’après de précédentes études (1974 – 1986), les chevaux féraux se couchent entre 1h et 2h / jour, contre 3h à 5h / jour pour les chevaux en box. Ils connaissent quatre stades de sommeil : léger (état de vigilance), somnolence, lent et paradoxal. Ce dernier stade, pouvant durer en moyenne entre 30 et 70 min / jour (Fuchs et al., 2018 et Greening et al., 2021), ne peut être atteint que si le cheval est couché la tête reposant au sol, soit à plat lors du décubitus latéral, soit le menton posé au sol lors du décubitus sternal.
Les chevaux de l’étude
Hongres, âgés entre 3 et 17 ans, de race Swedish Warmblood, ils sont utilisés comme chevaux d’école et sont habitués au groupe et au lieu (écurie ouverte équipée de systèmes automatiques de distribution d’aliment, d’eau et de fourrage, d’un râtelier à foin, de différentes aires de repos modulables, de box et de paddocks). L’étude se déroule entre février et mai 2016 avec des températures moyennes variant entre -2°C et + 15°C.
Lors des tests 1, 2 et 3, les chevaux portent des couvertures sur lesquelles des symboles fluorescents sont inscrits permettant de les identifier sur les vidéos. Les températures positives lors du test 4 (entre + 3°C et + 15°C) n’ont pas permis de couvrir les chevaux ce qui a empêché un relevé individuel des données sur ce traitement.
Mise en œuvre du protocole
Sur quatre périodes successives, 10 chevaux testent les trois configurations en groupe et 8 d’entre eux testent la configuration 1 en box uniquement la nuit (ils sont lâchés en journée avec les autres chevaux). Chaque configuration est testée 10 jours, dont les 7 premiers jours servent d’acclimatation, avant 3 jours filmés en continu à l’aide de plusieurs caméras infrarouges.
En plus du calcul de la fréquence et de la durée du temps passé couché, les comportements « se coucher » et « se relever » sontpris en compte dans l’étude (Tableau 2).
On observe jusqu’à 7 chevaux couchés au même moment mais une seule fois dans la configuration 2, contre quatre fois dans la configuration 3 et onze fois dans la configuration 4.
En configuration 1, aucun cheval n’est observé couché au paddock en journée. En configuration 2, un jeune cheval est observé deux fois couché à l’extérieur de l’abri.
Dans 71% des cas au box, les chevaux se relèvent sans se rouler, contre seulement 22% en configuration 3. À l’inverse, les roulades complètesà 180° sont observées dans 33% des cas en configuration 3, 29% en configuration 2 et une seule fois en box.
Le temps couché interrompu par un congénère est observé en moyenne toutes les 9 minutes. Tous les chevaux peuvent être « perturbateur de sommeil », sur n’importe quel autre cheval, qui se lève alors sans se rouler au préalable.
Des besoins en repos couché variables entre les individus
La figure 2 montre qu’il existe de gros écarts entre les huit individus : entre les configurations, mais aussi pour une même configuration.
NDLR : Si par exemple, on observe les barres claires (en box), le cheval 3 passe en moyenne 52 min couché contre plus du double pour le cheval 2 alors que les chevaux 1 et 4 ont des temps intermédiaires proches (respectivement 71 et 68 minutes). Également pour un même cheval, il semble que d’un jour à l’autre le temps passé couché n’est pas le même : par exemple le cheval 2 en box a une barre d’erreur de 89 minutes au-dessus de sa moyenne située à 113 minutes, ce qui indique que dans des conditions sensiblement identiques, sur les trois jours consécutifs filmés, certains ont probablement connu des périodes couchées beaucoup plus courtes que d’autres. Il en est de même pour beaucoup d’autres individus sur la figure (les barres d’écart hautes montrant une grande dispersion des données).
Bien entendu, on ne peut pas exclure de potentiels facteurs extérieurs venant perturber le sommeil des chevaux : lumière, bruit ou peut-être une gêne par exemple liée à la couverture – ce dernier facteur n’est pas commenté par les auteurs.
Si l’on considère la configuration 2 (bleu sur la figure 2), on peut noter que les chevaux 1 et 8 se sont peu couchés dans cette configuration comparativement aux deux autres configurations ; les chevaux 3 et 4, quant à eux, ne semblent pas avoir été gênés puisque leurs trois moyennes (box, 8m² et 18m²) sont très proches. Enfin, la figure 2 montre aussi que, globalement, les chevaux adultes passent moins de temps couché que les plus jeunes ; mais à l’intérieur d’une classe d’âge, il semble aussi qu’il y ait de plus gros dormeurs que d’autres.
Ces données restent descriptives (pas de statistiques) mais elles mettent en lumière que tous les chevaux ne semblent pas tirer profit de la même façon des conditions de repos qui leur sont proposées.
Note : Les résumés publiés sur le site Sciencesequines.fr sont issus d’études scientifiques qui sont parues dans des revues officielles et qui n’engagent que leurs auteurs. Nos rédacteurs.trices peuvent parfois y ajouter des commentaires qui sont systématiquement annoncés par le sigle NDLR (Note de la rédaction)
Références
Références
Cet article a été résumé par Lucie Chazallon et relu par Charlotte Becht, Lucie Beugnet et Juliane Demellier.
Les illustrations sont de Lucie Chazallon.
La photo de miniature et de bannière appartient à Laura Armand Etho’Lau.
Référence complète de l’article
Kjellberg, L., Sassner, H. & Yngvesson, J. (2022). Horses’ resting behaviour in shelters of varying size compared with single boxes, Applied Animal Behaviour Science, 254: 105715. https://doi.org/10.1016/j.applanim.2022.105715
Quelques références intéressantes citées dans l’article
Dallaire, A., 1986. Rest behavior Vet. Clin. North Am. Equine Pr. 2 3 1986 591 607 doi:10.1016/s0749-0739(17)30708-3
Fuchs, C., Kiefner, L.C, Kalus, M., S. Reese, S., Erhard, M & Wöhr. A.-C., 2018. Polysomnography as a tool to assess equine welfare. In: Grant, R.A., Allen, T, Spink, A & Sullivan, M. (eds.) Measuring Behavior 2018, 11th International Conference on Methods and Techniques in Behavioral Research 5th-8th June, Manchester, UK, pp.103–106.
Kjellberg, L., Yngvesson, J., Sassner, H., Morgan, K., 2021. Horses’ use of lying halls and time budget in relation to available lying area. Animals 11, 3214. https://doi.org/10.3390/ani11113214
Kjellberg, L. Rundgren, M. 2010. The behaviour of horses kept in loose boxes and tie stalls. In: Lidfors, L., Blokhuis, H. & Keeling, L. (eds) Proceedings of the 44th International Society for Applied Ethology (ISAE) August 4–7, Uppsala, Sweden. p.176.
Raabymagle, P., Ladewig, J., 2006. Lying behavior in horses in relation to box size. J. Equine Vet. Sc. 26 (1), 11–17. https://doi.org/10.1016/j.jevs.2005.11.015.
[Résumé] « Comparaison des comportements de repos des chevaux hébergés dans des abris de différentes tailles et en box individuel » J. Kjellberg et al., 2022