Les taons capturés sur les chevaux selon les saisons en forêt amazonienne du Rondônia, Brésil
Résumé
Cette étude menée entre 2019 et 2020 se déroule dans l’État du Rondônia au nord-ouest du Brésil, frontalier avec la Bolivie. Cette région amazonienne est dotée d’un climat tropical humide et abrite une grande diversité de taons vecteurs de maladies aux conséquences néfastes pour les chevaux (maladies pouvant aller jusqu’à la mort). Dans le but de mieux connaître ces espèces pour mieux s’en protéger, cette étude cherche à répondre à plusieurs questions :
- l’abondance des insectes est-elle la même selon les saisons ?
- quelle diversité d’espèces retrouve-t-on sur les chevaux et selon les saisons ?
- quelles sont les heures privilégiées par les insectes pour attaquer les animaux ?
- quelles zones anatomiques du cheval sont privilégiées par ces insectes ?
Mais avant de commencer, faisons les présentations.
Tabanidae (Diptera) : une grande famille et des risques à ne pas négliger !
Plus de 4400 espèces de taons sont recensées dans le monde sous différents climats, latitudes et paysages.
Comparativement aux mouches, ce sont de gros insectes et, contrairement aux mouches domestiques ou mouches stomoxes (Stomoxyx Calcitrans L.) qui s’installent volontiers dans les écuries, les taons ne viennent en zone habitée que pour se nourrir sur les animaux ou les humains et repartent faire leur cycle de vie en milieu sauvage.
La femelle peut pondre jusqu’à 4800 œufs en 4 à 5 pontes dans sa vie d’adulte. Ces insectes peuvent rester présents dans l’environnement longtemps grâce à un stade larvaire allant de 2 mois à 3 ans ! Le stade suivant de pupe est court et l’émergence des adultes est saisonnière et en pic abondant.
Présents en saison chaude, et plus ou moins humide, les taons repèrent leur hôte grâce à la polarisation de la lumière, mais aussi à leurs odeurs. Ils sont bruyants et infligent des piqûres douloureuses.
Lors des périodes de forte infestation, le risque d’anémie liée à la perte de sang dont se nourrissent les femelles est avéré. Ils peuvent retenir dans leur partie buccale entre 7 à 15 nl de sang contre seulement 0,4 nl pour les mouches stomoxes et 0,001 à 0,0001 nl pour les moustiques. Ils peuvent être porteurs et vecteurs de parasites engendrant de graves maladies (Anémie infectieuse équine, Trypanosoma…) dans certaines conditions : exposition importante aux insectes, durée d’exposition, présence d’autres animaux malades au sein du troupeau, état physique des animaux…
Leur impact sur la santé des animaux, notamment lors des périodes de pic, est à prendre au sérieux et demande de mettre en œuvre des moyens de protection.
Présentations faites, revenons à notre étude…
Méthode
Au centre de l’État du Rondônia (Carte 1), deux localisations, l’une au nord et l’autre au sud, sont choisies comme zones d’étude. Elles sont pourvues de fragments de forêt, de pâtures avec du bétail (bovins et chevaux) et de cours d’eau. Cinq emplacements sont choisis à l’intérieur de chaque zone d’étude. Un cheval, toujours mâle et alezan, est utilisé comme appât à chaque emplacement pour capturer les taons venus se poser sur l’animal.
Les insectes sont capturés manuellement à l’aide de filets et comptabilisés par espèce. L’identification des espèces est réalisée sur la base de la collection de l’INPA (Institut national des recherches amazoniennes) et à chaque prise, la zone anatomique du cheval où l’insecte s’est posé, ainsi que l’heure de capture sont précisées. Les captures sont faites de 6h à 18h. Le protocole est déroulé à chaque point d’étude durant 4 jours en saison sèche et 4 jours en saison des pluies.
Résultats
Sur 540 individus femelles au total, 72% des individus sont présents en saison des pluies et 28% en saison sèche.
Sur les 109 espèces connues dans l’Etat du Rondônia, 41 espèces sont capturées sur les chevaux dont 30 en saison des pluies et 21 en saison sèche. 11 espèces sont présentes sur les deux saisons. Certaines espèces sont rares (1 à 5 captures au total) tandis que quatre espèces sont particulièrement nombreuses et peuvent apparaître aux deux saisons ou sur une seule (Tableau 1).
Malgré ces observations, le test statistique n’a pas permis de distinguer deux communautés de taons qui auraient été chacune spécifique à une saison (p-value p = 0,667).
Le pic horaire se situe en général en fin de journée entre 17h et 18h sauf pour Stypommisa aripuana qui est très présent sur les chevaux entre 13h et 16h.
Toutes espèces confondues, les taons piquent préférentiellement les postérieurs (43% des captures) puis les antérieurs (31%) (Figure 1).
Discussion
Utiliser le cheval comme appât, plutôt qu’un piège mécanique ou chimique, permet d’identifier, parmi la grande diversité d’espèces connues, un sous-ensemble de taons attirés par cet animal. Les zones anatomiques de prédilection (jambes et ventre notamment) correspondent probablement à la hauteur de vol des insectes (Bassi et al., 2000).
La prévalence de ces insectes en saison des pluies peut interpeller. Bien que des résultats similaires aient été trouvés dans la région du Pantanal, plus au sud, ils sont contraires à ceux de plusieurs études menées plus au nord et nord–est du Brésil (Belém et Manaus) situées en hémisphère nord, où la forte saison des taons correspond à la saison sèche. Un facteur autre que climatique entrerait-il donc en jeu dans la présence de ces insectes ?
Les quatre espèces les plus abondantes sont très probablement vectrices de parasites. Les auteurs recommandent donc de redoubler de précaution particulièrement aux horaires de pic sur les saisons de prévalence de ces espèces pour protéger les chevaux et réduire les risques de transmission de maladies.