Sprays chimiques, guêtres ou produits à la citronnelle ?

Gros plan sur quelques mouches des étables sur la robe d'un équidé.

Cette étude menée en 2018 dans la région du Minnesota (USA) caractérisée par des hivers froids et des étés chauds, compare l’efficacité de cinq moyens de protection contre les mouches stomoxes pour soulager le cheval lors des moments de travail et de repos. 


Stomoxys Calcitrans L. ? Une présentation s’impose !

Les mouches stomoxes

Photo en gros plan d'une mouche Stomoxys Calcitrans L.

Les mouches Stomoxys Calcitrans L. aussi appelées mouches des étables, triangles ou encore charbonneuses, ressemblent à de simples mouches domestiques (Musca Domestica), avec quelques variations physiques mais surtout un comportement hématophage. Mâles et femelles se nourrissent de sang nécessaire à leur reproduction, et tant qu’elles trouvent à se nourrir, ces mouches sont très persistantes dans l’environnement. Leur piqûre est douloureuse et peut transmettre des virus. Les stomoxes adultes vivent en moyenne entre 4 à 5 semaines. 

Durant toute sa vie, la femelle pond de 300 à 600 œufs dans le fumier, l’asticot étant coprophage. D’activité diurne, elles sont présentes sous différents climats et durant les saisons à la fois chaudes et humides. Elles apprécient particulièrement les températures avoisinant les 25°C mais se font plus rares au-dessus de 28°C. Elles peuvent passer l’hiver dans des sites d’élevage chauffés et maintenir ainsi une activité reproductrice tout au long de l’année. Il semblerait par ailleurs qu’elles puissent parcourir jusqu’à 3 km afin de se nourrir et de migrer vers des conditions plus favorables.

Le choix de l’hôte est fonction de la couleur, de l’épaisseur du pelage, de la température cutanée, de la taille, des mouvements et des odeurs (transpiration, CO2, odeurs particulières liées à la rumination). Les hôtes préférentiels sont les gros mammifères comme les bovidés et les équidés. Elles se nourrissent préférentiellement sur les parties inférieures des membres et le ventre chez les chevaux, et en particulier sur les membres antérieurs car à cet endroit la peau y est plus fine et les vaisseaux sanguins sont plus proches de la surface de la peau.


Présentation faite, revenons à notre étude…

Méthode

Pendant 6 semaines, 6 juments de selle testent 6 traitements à tour de rôle : cinq moyens de protection et un traitement contrôle (c’est-à-dire, aucun moyen appliqué).

Tableau 1. Les cinq moyens de protection testés

Barrière physique: un moyen testé, Guêtres en mesh fixées à chaque jambe par des velcros. Barrière biologique : 2 moyens testés: 1  les leg bands, qui sont des bracelets souples imbibés de citronnelle et fixés à chaque jambe au niveau du canon; 2 spray à la citronnelle (335ml de vinaigre blanc + 118ml d'huile sèche + 30 ml huile essentielle de citronnelle) 59 ml appliqué quotidiennement sur l'encolure,le corps et les jambes. Barrière chimique: 2 moyens testés : 1 spray à base de perméthrine dosée à 0,05% 2 spray à base de pyréthrine dosé à 0,10%; 59ml appliqués quotidiennement sur l'encolure, le corps et les jambes.

Les juments sont observées 2h par jour et deux variables sont prises en compte dans l’étude. Les comportements émis par cheval pour repousser les insectes sont comptabilisés pour évaluer le niveau de gêne subie par les chevaux : les fouaillements de la queue, les frémissements de la peau, les mouvements de tête et les coups de sabot au sol.  Le nombre de mouches présentes sur les antérieurs des chevaux est comptabilisé au démarrage, puis à 30 minutes, puis à 60 minutes et enfin au bout des 2h d’observation, pour évaluer la prévalence des insectes et son éventuelle évolution au fil du temps.

Résultats

Le nombre de comportements pour repousser les insectes varie selon le moyen de protection utilisé. Le spray à base de citronnelle réduit le nombre de mouvements de la queue et de frémissements de la peau (p < 0,01). Les guêtres et les leg bands réduisent les mouvements de la tête et les coups de sabots au sol (p < 0,02), ce dernier comportement étant très fortement réduit par le port des guêtres (p < 0,01). Par contre, les deux sprays à base chimique (perméthrine et pyréthrine) n’ont pas réduit le nombre de comportements observés (p < 0,05) par rapport à la situation contrôle (sans protection).

Le nombre de mouches augmente entre la première et la deuxième heure passant d’une moyenne de 3,9 à 4,2 mouches par jambe (p < 0,05). 

Discussion

Aucun de ces cinq moyens ne permet d’éloigner les mouches des chevaux. Mais certains d’entre eux ont quand même permis de réduire le nombre de certains comportements émis pour repousser les insectes. Les guêtres empêchant le contact entre l’insecte et la jambe, et les leg bands concentrant l’essence de citronnelle sur les jambes, permettent notamment de préserver la santé des sabots en réduisant le nombre de coups frappés au sol. Concernant les sprays, la citronnelle apparaît efficace contrairement aux deux produits chimiques mais dosage, quantité à utiliser, fréquence d’application et durée d’efficacité dans le temps restent à étudier.

En savoir plus sur le protocole

1. Mise en oeuvre selon le principe du carré latin

De juin à juillet 2016, les juments sont placées individuellement sur un petit terrain nu de 5m sur 5m situé à proximité d’une zone à forte prévalence de mouches stomoxes (porcherie et laiterie). Chaque jument reçoit un traitement différent. Elles sont observées durant 2h entre 12h30 et 14h30, pendant 5 jours d’affilée. Puis elles sont douchées et laissées 2 jours sans traitement pour éviter une contamination d’un traitement à l’autre. La semaine suivante, on leur applique un nouveau traitement et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes les juments aient testé les 6 traitements : c’est le principe du carré latin.

2. Comptabiliser les comportements

Les quatre comportements retenus pour l’étude sont comptabilisés sur quatre périodes de 30 minutes selon le protocole suivant : les 5 premières minutes, on compte les fouaillements de la queue ; les 5 minutes suivantes, on compte les frémissements de la peau et les 20 minutes suivantes, on compte simultanément les mouvements de la tête pour écarter les mouches et les coups de sabot au sol. Puis, ce cycle d’observation est renouvelé trois fois pour un total de 2h. Les fouaillements de la queue et les frémissements de la peau étant les deux comportements les plus fréquemment émis par le cheval, il était difficile de les comptabiliser simultanément.

3. Comptabiliser les mouches

Les auteurs se sont basés sur la procédure mise en œuvre par Berry et al. (1986) : ils comptabilisent à quatre instants précis toutes les mouches posées sur la partie visible des deux membres antérieurs (sous le genou jusqu’au pied) : au démarrage, à 30 minutes, à 60 minutes et à 120 minutes. La zone du corps a été choisie sur la base de l’étude de Bittencort et Borja (2000) qui a montré que les antérieurs sont privilégiés par les mouches stomoxes pour se nourrir. 

En savoir plus sur les résultats

Lutte biologique 

La citronnelle impliquée dans deux traitements (sprays et leg bands) a montré des résultats encourageants. Il est en effet prouvé qu’elle interfère avec les récepteurs olfactifs des mouches des étables, des moustiques, des simulies et des moucherons piqueurs (biting midges). Le dosage et la quantité de produit utilisé apparaissent comme une des clefs de l’efficacité de ce produit.

Lutte chimique

Dans une étude de Schmidtmann et al. (2001), la perméthrine a montré son efficacité sur le bétail et des poneys contre d’autres espèces d’insectes : les moustiques et les black fly (simulies). La présente étude qui utilise des dosages en perméthrine (et en pyréthrine) similaires à ceux de Schmidtmann et al., ne montre pas d’effet contre les stomoxes sur les chevaux. Il apparaît donc nécessaire de poursuivre les recherches sur les dosages, les molécules à choisir selon les espèces d’insectes et probablement aussi en fonction de l’espèce animale à protéger (ndlr : avec aussi peut-être des résultats différents à l’intérieur d’une même espèce : d’une race à l’autre, d’un individu à l’autre, d’une robe à l’autre…). Les auteurs notent également que d’autres composés chimiques étudiés, comme le DEET (N,N-diethyl-3-methytoulamide), la cyperméthrine ou la deltaméthrine se sont révélés efficaces contre les mouches piqueuses mais provoqueraient des problèmes d’exfoliation de la peau. Ces produits ne sont donc pas recommandés en application sur les chevaux.

À la lumière de cette étude, la barrière physique comme les guêtres et la barrière biologique avec les produits à base de citronnelle apparaissent comme les moyens les plus efficaces pour réduire les désagréments liés aux mouches stomoxes. Enfin, les auteurs rappellent que l’hygiène du lieu de vie des chevaux (enlever le fumier, traiter les bâtiments) sont des éléments importants dans la lutte contre la prolifération des mouches.

Références

Les références

Cet article a été résumé par Lucie Chazallon et relu par Charlotte Becht, Juliane Demellier, Colette Doublier et Noémie Roynette. Il a été mis en ligne par Stéphanie Ronckier.

La photo de bannière appartient à Filipe Dantas-Torres.

Référence complète de l’article 

Mottet RS, Moon RD, Hathaway MR, Martinson KL, Effectiveness of stable fly protectants on adult horses, Journal of Equine Veterinary Science (2018), doi: 10.1016/j.jevs.2018.06.002.

Quelques références intéressantes citées dans l’article

Berry IL, Nelson AK, Broce AB. Effects of weather on capture of stable flies (Diptera: Muscidae) by Alsynite fiber glass traps. Environ. Entomol. 1986; 15: 706 – 709.

Bittencort AJ, Borja BEM. Stomoxys calcitrans (L.): preferred feeding sites on the equine body. Parasolitigia dia. 2000; 24(3/4): 119-122.

Schmidtmann ET, Lloyd JE, Bobian RJ, Kumar R, Waggoner JW, Tabachnick WJ, Legg D. Suppression of mosquito (Diptera: Culicidae) and black fly (Diptera: Simuliidae) blood feeding from Hereford cattle and ponies treated with permethrin. J. Med. Entomol. 2001; 38(5): 728-734.

  • Sources utilisées dans la présentation de l’espèce Stomoxys Calcitrans L.  

Badelon, Judith. Piégeage des taons et des stomoxes : efficacité comparée des pièges h-trap et vavoua. Thèse d’exercice, Médecine vétérinaire, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse – ENVT, 2016, 93 p.

Fiche n°5a Les nuisibles (insectes et parasites), Institut de l’élevage, janvier 2022.

[Résumé] Efficacité comparée de cinq moyens de protection contre les mouches des étables (Stomoxys calcitrans L.), R.S. Mottet et al., 2018