Quels aménagements seraient plus favorables au repos des chevaux hébergés en groupe ?  

Un cheval au repos couché et un second cheval qui l'approche

Introduction

Les zones de couchage des hébergements en groupe demandent à être pensées pour que chaque individu, quelle que soit sa place dans le groupe, puisse s’y reposer. Dans la présente étude, M. Baumgartner et ses collaborateurs observent les comportements de repos couché de 56 chevaux hébergés en groupe, durant un an.

L’étude tient compte de différents facteurs pouvant impacter la durée et la fréquence des temps de repos couché :  la taille des zones de couchage, les différents types de sol (caoutchouc ou copeaux), les rangs hiérarchiques des chevaux, les heures de la journée et les interruptions de sommeil provoquées par un autre membre du groupe.  

Méthode

56 chevaux vivant en grand troupeau sur environ 12 ha ont librement accès à cinq zones de couchage différentes (Tableau 1). 

Tableau 1. Descriptif des cinq zones de couchage et leur capacité d’accueil en nombre de chevaux couchés. La capacité est calculée à partir des recommandations officielles allemandes, soit 8,2m²/cheval mesurant 1,65 m au garrot. Les tapis en caoutchouc sont un modèle HIT Horsebed Premium de 7,5 cm d’épaisseur.

Tableau représentant les zones de repos les plus fréquentées en ordre décroissant selon le rapport : nombre de repos couché sur capacité d'accueil de la zone. 1 Abri, 2 Hangar 1, 3 Hangar 3 et 4 Hangar 2, pas de données concernant le paddock

Ils sont filmés en continu 6 jours par saison (en 3 fois 2 jours consécutifs), soit 24 jours sur l’année, grâce à 10 caméras infrarouge grand angle. Les chevaux sont équipés de guêtres et colliers réfléchissants pour être identifiés de nuit. 

Le nombre de fois où chaque cheval se couche (en décubitus sternal ou latéral) et la durée restée en position couchée sont comptabilisés et associés à l’endroit choisi pour se coucher. Le rapport entre le nombre de périodes couchées sur une zone et sa taille en capacité théorique d’accueil de chevaux couchés, permet de déterminer quelle zone est la plus utilisée par les chevaux. La comparaison des données relevées permet également de savoir si les tapis en caoutchouc sont aussi bien acceptés que le copeau seul dans les hangars. 

NDLR: L’étude se focalise sur les surfaces en caoutchouc et en copeaux. Aucune comparaison n’est faite avec le sable qui se trouve sur les zones abri et  paddock.

Le rang hiérarchique, l’horaire et l’interruption du coucher forcée par un autre cheval sont des variables prises en compte pour affiner l’analyse. 

Résultats

Bien que l’espace disponible respecte les recommandations officielles, seulement 50% des chevaux sont observés couchés simultanément

L’abri obtient le meilleur score d’utilisation, particulièrement pour les 23 chevaux considérés bas dans la hiérarchie (voir la partie En savoir plus sur le protocole), suivi du plus grand hangar (Tableau 2).

Tableau 2. Utilisation des zones de repos selon le rapport “nombre de repos couché / capacité d’accueil”. Pas de données concernant le paddock.

Utilisation des zones de repos selon le rapport “nombre de repos couché / capacité d’accueil”. Pas de données concernant le paddock.

NDLR : Les auteurs comparent différentes tailles de zones de repos mais les sols ne sont pas tous identiques :  le sol de l’abri est en sable, et celui des trois hangars est  au centre en tapis de caoutchouc recouvert de copeaux, et sur les bords en copeaux. Bien que différents traitements statistiques soient menés pour obtenir des résultats distincts, il semble tout de même difficile de séparer strictement type de sol et taille de l’espace disponible dans le choix des chevaux. La position hiérarchique peut aussi entrer en jeu. Les résultats restent intéressants mais le protocole nous semble fragile sur ce point.  Il apparaît dès lors difficile de tirer des conclusions.

La différence dans le choix du sol entre tapis en caoutchouc recouvert d’1 cm de copeaux (51%) et uniquement copeaux (49%) est marginale (p-value p = 0,41). Mais la durée des couchers est significativement plus longue d’environ 12 minutes en moyenne sur le copeau seul (p = 0,005).

Les chevaux bas dans la hiérarchie se couchent moins fréquemment et moins longtemps (– 20 min en moyenne, p < 0,001) que les autres chevaux. Ils utilisent significativement plus l’abri et le paddock (p < 0,001).

Les chevaux se couchent tous significativement plus entre minuit et 6 h du matin (p < 0,001).

16,5% des couchers sont interrompus par un autre cheval venu trop près.

La durée du repos couché est très variable d’un individu à l’autre. 32,7% des chevaux observés ne se sont pas couchés chaque jour.

Discussion

S’appuyant sur les résultats de plusieurs études antérieures, les auteurs concluent que la surface de 8,2 m²/cheval est  insuffisante dans le cas d’un hébergement en groupe. Il apparaît également important de proposer un second espace de repos comme alternative pour les chevaux plus bas dans la hiérarchie. 

Les tapis en caoutchouc semblent tout à fait utilisables en respectant quelques règles d’hygiène quotidiennes. Les auteurs recommandent également d’habituer progressivement les chevaux en couvrant les tapis d’une plus grosse épaisseur de copeaux qui sera réduite au fil du temps.  

Enfin, il semble que les besoins en repos couché des chevaux soient propres à chaque individu. De futures études sont nécessaires pour mieux comprendre ce qui régit le sommeil des chevaux.

En savoir plus sur le protocole

En savoir plus sur le protocole

Les chevaux et leurs conditions de vie

Le troupeau se compose de 41 hongres et de 14 juments, âgés entre 5 et 26 ans. La race Warmblood est majoritaire plus 2 Haflingers, 1 Criollo et 1 Pur-sang anglais. 46 chevaux se côtoient et sont habitués aux types de sols depuis plus d’un an à 3 ans. 10 chevaux ont été intégrés au plus tard 6 mois avant l’expérimentation. 

Les chevaux vivent en pâture sauf lorsque les conditions météorologiques ne le permettent pas. Ils ont accès librement à l’aire de repos. L’alimentation est gérée par distribution automatique de foin, fourrage, concentrés et minéraux. Quatre râteliers sont également à disposition en libre accès. Essentiellement utilisés pour des activités de loisirs, le travail demandé est léger.

Les tapis, modèle Hit Horsebed Premium, sont souples en surface et constitués de 7,5 cm de mousse cellulaire.

Le recueil de données

Les chevaux sont filmés en continu par 2 caméras grand – angle et infra-rouges par zone. En plus, 60 heures d’observation sur site sont également réalisées pour vérifier si les chevaux utilisent d’autres espaces de repos en dehors des champs des caméras.

Le contrôle sanitaire à l’intérieur des hangars est effectué 10 fois dans l’année. Le taux d’ammoniaque, l’aération, le taux d’humidité dans l’air et la température sont mesurés à 7 points différents et comparés aux normes en vigueur. Également, les crottins sont retirés deux fois par jour dans toute l’aire de repos. Une zone de maintenance pour uriner se situe juste devant les hangars, permettant de limiter l’urine à l’intérieur.

Le climat

Les températures varient de -11°C en hiver à 30°C en été. 

Les rangs hiérarchiques sont pris en compte pour savoir si, selon ce critère, les chevaux ont un comportement de repos différent ainsi qu’une zone de repos préférentielle. Pour déterminer le rang hiérarchique de chaque cheval, les auteurs ont observé en amont de l’étude les comportements agressifs et ceux de soumission. Ils ont utilisé  l’indice moyen de dominance (Average dominance index) établi par Hemelreijk et al. (2005) pour classer les chevaux en trois groupes : 14 chevaux sont notés en haut de la hiérarchie, 19 au milieu et 23 en bas.

Les interruptions du repos couché par un autre cheval sont comptabilisées pour déterminer combien de fois le cheval se relève involontairement.

En savoir plus sur les résultats

En savoir plus sur les résultats

Bien que l’espace disponible respecte les recommandations officielles, seulement 50% des chevaux sont observés couchés simultanément. S’appuyant sur plusieurs études antérieures, les auteurs concluent que cela n’est pas dû à un comportement social (tour de garde par exemple) mais bien à un espace trop petit. Sur les 24 jours de vidéos analysés, 2 chevaux âgés de 26 ans, ne sont jamais observés couchés. Sur les 54 chevaux observés couchés, 49 utilisent les hangars et 5 uniquement les surfaces en sable.

NDLR : nous regrettons l’absence de données détaillées concernant l’utilisation du paddock (800 m²). Combien de chevaux l’utilisent simultanément ? Il nous semble aussi qu’une analyse plus fine en fonction des saisons pourrait être intéressante. Les chevaux utilisent-ils majoritairement les hangars en hiver et dorment-ils à la belle étoile en été ? 

Des différences individuelles marquées

La durée du repos couché est variable d’un individu à l’autre 

La moyenne des temps couché par jour et par cheval montre que les chevaux ont une durée moyenne de repos couché relativement courte. Ils précisent que 50% durent entre 15 et 40 minutes par jour. A noter que les chevaux peuvent rester plusieurs jours sans se coucher et que les vieux chevaux ou les chevaux malades se couchent plus rarement. 32,7% des chevaux observés ne se sont pas couchés chaque jour.

Les litières proposées n’étant pas consommables, le taux de repos couché interrompu par un congénère est nettement plus faible que dans des études précédentes qui utilisaient de la paille. 

Enfin, les tapis en caoutchouc, plus économiques, semblent être une bonne alternative aux litières naturelles. Toutefois, ils ne sont pas toujours bien acceptés par les chevaux qui s’y couchent moins longtemps (voir aussi Zeitler-Feicht et Muggenhaler, 2013). C’est pourquoi les auteurs recommandent une habituation progressive en ajoutant du copeaux. Les contrôles sanitaires effectués montrent que les tapis en caoutchouc sont tout à fait compatibles avec une bonne hygiène des lieux, si la ventilation est suffisante et le ramassage des crottins effectué très régulièrement.

Note : Les résumés publiés sur le site Sciencesequines.fr sont issus d’études scientifiques qui sont parues dans des revues officielles et qui n’engagent que leurs auteurs. Nos rédacteurs.trices peuvent parfois y ajouter des commentaires qui sont systématiquement annoncés par le sigle NDLR (Note de la rédaction)

Références

Références

Cet article a été résumé par Lucie Chazallon et relu par Juliane Demellier et Sandra Conesa

Les illustrations sont de Lucie Chazallon.

La photo d’illustration appartient à Ecurie La Caracole, Guyane.

Référence complète de l’article 

Baumgartner M., Zeitler-Feicht M. H., Wöhr A.-C., Wöhling H., Erhard M. H. (2015) Lying behaviour of group-housed horses in different designed areas with rubber mats, shavings and sand bedding. Pferdeheilkunde 31, 211-220

Quelques références intéressantes citées dans l’article

Chaplin S. J., Gretgrix L. (2010) Effect of housing conditions on activity and lying behaviour of horses. Animal 4, 792-795

Muggenthaler K., Zeitler-Feicht M. H., Mühlbauer A. C., Kilian E., Reiter K. (2010) Sägespäne versus Liegematten – Untersuchungen zum Ausruh- und Ausscheideverhalten von Pferden in der Liege-halle von Mehrraumaußenlaufställen mit Auslauf. KTBL-Schrift : Aktuelle Arbeiten zur artgemäßen Tierhaltung 482, 145-155

Zeitler-Feicht M. H., Muggenthaler K. (2013) Zum Liegeverhalten von Pferden in Gruppenhaltung in Abhängigkeit von der Liege – Platzgestaltung und Rangordnung. Prakt. Tierarzt 94, 420-428

[Résumé] Comportement de repos des chevaux hébergés en groupe selon différents aménagements du sol : tapis en caoutchouc, copeaux et sable – Baumgartner M. et al., 2015