Beethoven à l’écurie : effet de la musique classique sur le comportement des chevaux en boxe

Des chevaux dans un box d'un côté et un violon pour représenter la musique classique de l'autre.

Introduction

Les conditions d’hébergement des chevaux, si elles ne leur permettent pas de satisfaire leurs besoins fondamentaux, peuvent mener à l’apparition d’états émotionnels négatifs s’exprimant sous forme de stéréotypies. Or, il a été démontré sur bon nombre d’espèces animales vivant en captivité que la musique classique pouvait induire un état émotionnel positif.

Dans le contexte des mesures de confinement survenues suite à l’émergence de la peste équine en Thaïlande en mars 2020, X. Huo et ses collègues ont cherché à répondre aux questions suivantes : la musique classique diminue-t-elle la fréquence des comportements stéréotypiques chez les chevaux vivant en box ? Combien d’heures de stimuli musicaux quotidiens seraient nécessaires ?

Méthode

Cette étude préliminaire est conduite de juin à juillet 2020 sur quatre chevaux de course logés dans des boxes individuels d’une écurie thaïlandaise. Tous ont du foin à volonté et présentent des stéréotypies. La durée d’observation est divisée en cinq périodes de trois jours :

  • Jours 1-3, « avant musique » : période de contrôle, aucune musique n’est diffusée
  • Jours 4-12, « avec musique » : 3 phases de 3 jours chacune, les chercheurs diffusent de la musique classique de 9 heures à 14 heures
  • Jours 13-15, « après musique » : aucune musique n’est diffusée

Les comportements des chevaux, filmés quotidiennement, sont consignés toutes les 5 minutes, entre 9 heures et 19 heures. Les relevés sont classés en deux catégories : le comportement général (alimentation, vigilance, locomotion, repos, toilettage, exploration, élimination) et les comportements stéréotypiques (tic à l’appui, hochements de tête, déplacements sans but précis, coprophagie, mouvements superflus de la langue). La fréquence de ces comportements est calculée pour chaque période afin de la comparer avant, pendant et après la diffusion de musique.

Résultats

La fréquence du comportement d’alimentation est significativement favorisée par la diffusion de musique (p-value, p = 0,003).

La fréquence du comportement de vigilance est significativement diminuée par la diffusion de musique (p = 0,004). Cette diminution se maintient au cours de la période « après musique ».

De manière générale, les stéréotypies sont significativement moins fréquentes lorsque la musique est diffusée (p = 0,05). Cette diminution perdure durant la période « après musique ».

La fréquence du comportement d’ingestion évolue ainsi au cours des cinq périodes de 10 heures (p = 0,003) :
« avant musique » : 48,00 fois
phase 1 : 51,50 fois
phase 2 : 63,34 fois
phase 3 : 63,58 fois
« après musique » : 49,83 fois.
Figure 1. Effet des différentes périodes de traitement sur le comportement d’alimentation.

La fréquence du comportement de vigilance évolue ainsi au cours des cinq périodes de 10 heures (p-value, p = 0,004) :
« avant musique » : 27,33 fois
phase 1 : 20,42 fois
phase 2 : 19,67 fois
phase 3 : 15,83 fois
« après musique » : 20,00 fois.
Figure 2. Effet des différentes périodes de traitement sur le comportement de vigilance.

La fréquence du nombre total de stéréotypies évolue ainsi au cours des cinq périodes de 10 heures (p-value, p = 0,05) :
« avant musique » : 7,25 fois
phase 1 : 3,75 fois
phase 2 : 2,67 fois
phase 3 : 4,67 fois
« après musique » : 3,33 fois.
Figure 3. Effet des différentes périodes de traitement sur l’ensemble des stéréotypies.

Discussion

Cette étude préliminaire présente quelques limites mentionnées par les auteurs. Tout d’abord, l’échantillon n’est pas représentatif puisque les chevaux ne sont qu’au nombre de 4. Un échantillon plus large pourrait donner des résultats plus fiables.

De plus, le contexte de l’expérience (température, humidité, perturbations humaines, mesures de prévention contre la peste équine et le Covid-19, arrêt des courses…) pourrait influencer les comportements et le stress basal des chevaux, donc les données obtenues au cours des différentes périodes.

Enfin, en ce qui concerne la période « avec musique », les auteurs soulignent que la phase 3 (jours 7-9) révèle une augmentation de la fréquence des stéréotypies, bien que celle-ci demeure plus faible que lors de la période de contrôle. Une étude plus approfondie est nécessaire pour déterminer si cela est dû à une habituation à la musique et à une atténuation de son effet au fil du temps.

En savoir plus sur le protocole

En savoir plus sur le protocole

Les chevaux observés dans cette expérience sont quatre hongres pur-sang âgés de 9 à 11 ans, utilisés pour la course et présentant des stéréotypies : tic à l’appui, hochements de tête, déplacements sans but précis et mouvements superflus de la langue. Le comportement de coprophagie est très rarement constaté au cours de l’étude ; sa fréquence est même nulle avant la diffusion de musique. Les courses hebdomadaires étant annulées en raison de l’épidémie de peste équine, l’exercice physique des chevaux se limite à environ une heure quotidienne entre 5 et 8 heures du matin, avant le premier repas et avant le début des observations des chercheurs.

L’hébergement des chevaux au cours de l’expérience est leur lieu de vie habituel. Il s’agit de boxes individuels de 3,35 × 3,8 mètres dont le sol est en béton, en partie recouvert de tapis en caoutchouc. La litière utilisée est de la paille, nettoyée tout au long de la journée en fonction des besoins. Les individus observés disposent d’un accès libre au foin et à l’eau et reçoivent 4 kg de granulés alimentaires par jour, distribués en 4 fois (à 8 heures, 14 heures, 18 heures et 20 heures). Les chevaux peuvent voir l’extérieur depuis la zone d’alimentation à l’avant du box, ainsi que par la porte à l’arrière. Ils peuvent communiquer visuellement avec leurs congénères uniquement depuis ces zones, les murs de séparation étant pleins. Un système de moustiquaires recouvre l’écurie pour protéger les équidés des mouches.

La musique utilisée dans cette expérience est la Symphonie n°9 de Beethoven. Elle est diffusée pendant 5 heures consécutives, de 9 heures à 14 heures, durant les 3 phases de la période « avec musique ». Le volume du haut-parleur est réglé à un niveau de 65-70 décibels.

Les observations se basent sur l’étude des enregistrements quotidiens de caméras installées dans les boxes, qui filment individuellement les chevaux de 9 heures à 19 heures. En visionnant les enregistrements un à un, les observateurs relèvent le comportement de chaque cheval toutes les 5 minutes. Chaque équidé totalise ainsi 120 relevés par jour.

En savoir plus sur les résultats

En savoir plus sur les résultats

Dans cet article, les résultats sont présentés en moyenne pour les quatre chevaux observés.

La fréquence du comportement d’alimentation est significativement modifiée par la diffusion de musique (p = 0,003). Les phases 2 et 3 induisent un comportement d’alimentation plus fréquent (respectivement 63,38 et 63,54 fois sur 10 heures d’observation) que la période « avant musique » (48,00 fois). Cette augmentation ne perdure pas au cours de la période « après musique » (49,83 fois).

La fréquence du comportement de vigilance est significativement modifiée par la diffusion de musique (p = 0,004). La fréquence de ce comportement, qui est de 27,33 fois sur les 10 heures d’observation quotidiennes de la période « avant musique », a tendance à diminuer au cours des phases 1, 2 et 3 (respectivement 20,42 fois, 19,67 fois et 15,83 fois). Cette diminution se maintient au cours de la période « après musique » (20,00 fois, p < 0,05).

En ce qui concerne les comportements stéréotypiques, tout type confondu, ils sont significativement moins fréquents pendant la période « avec musique » que lors de la période « avant musique » (7,25 comportements stéréotypiques sur 10 heures d’observation). Bien que les résultats ne montrent aucune différence significative entre les phases 1 (3,75 comportements stéréotypiques), 2 (2,67) et 3 (4,67), la diminution constatée perdure au cours de la période « après musique » (3,33 comportements stéréotypiques, p = 0,05).

Enfin, bien que cette expérience ne révèle pas de lien entre la diffusion de musique classique et la fréquence du comportement de repos, les auteurs suggèrent qu’on pourrait constater une augmentation de cette donnée après une période musicale plus longue.

Pour conclure, cette étude préliminaire présente des résultats encourageants et il serait intéressant de reproduire l’expérience sur un échantillon plus large de chevaux. Les chercheurs pourraient également envisager de prendre en compte des indicateurs physiologiques comme la fréquence cardiaque.

Note : Les résumés publiés sur le site Sciencesequines.fr sont issus d’études scientifiques qui sont parues dans des revues officielles et qui n’engagent que leurs auteurs. Nos rédacteurs.trices peuvent parfois y ajouter des commentaires qui sont systématiquement annoncés par le sigle NDLR (Note de la rédaction)

Références

Références

Cet article a été résumé par Sarah Leturmy et relu par Charlotte Becht et Lucie Chazallon.

Les illustrations sont de Sarah Leturmy.

Les photos d’illustration sont issues de Pixabay.

Référence complète de l’article 

Huo, X., Wongkwanklom, M., Phonraksa, T., & Na-Lampang, P. (2021). Effects of playing classical music on behavior of stabled horses. Veterinary Integrative Sciences, 19(2), 259–267.

Quelques références intéressantes citées dans l’article

Carter, C. & Greening, L. (2012). Auditory stimulation of the stabled equine: the effect of different music genres on behaviour. Proceedings of the 8th International Equitation Science Conference, Edinburgh: Royal (Dick)Veterinary School. July 20, 2012. pp. 167.

Kędzierski, W., Janczarek, I., Stachurska, A. & Wilk, I. (2017). Comparison of effects of different relaxing massage frequencies and different music hours on reducing stress level in race horses. J. Equine Vet. Sci. 53, 100-107.

Stachurska, A., Janczarek, I., Wilk, I. & Kędzierski, W. (2015). Does music influence emotional state in race horses? J. Equine Vet. Sci. 35:650-656.

Wilson, M.E., Phillips, C.J.C., Lisle, A.T., Anderson, S.T., Bryden, W.L. & Cawdell-Smith, A.J. (2011). Effect of music on the behavioural and physiological responses of stabled weanlings. J. Equine Vet. Sci. 5(31), 321-322.

Wiśniewska, M., Janczarek, I., Wilk, I. & Wnuk-Pawlak, E. (2019). Use of music therapy in aiding the relaxation of geriatric horses. J. Equine Vet. Sci. 78, 89-93.

[Résumé] Effets de la diffusion de musique classique sur le comportement des chevaux en box – Huo, X. et al., 2021
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