Résumé
Introduction
Les animaux domestiques ont évolués au contact de l’Homme et ont plus ou moins appris à décoder son langage. Les chiens sont par exemple capables de décoder vers quoi leur humain porte son attention. Le cheval a été domestiqué plus tardivement que le chien, mais l’exemple de Clever Hans, le cheval qui savait compter, montre que certains chevaux sont capables d’une lecture très fine des humains. L’étude résumée ici teste la capacité des chevaux à lire des signaux humains.
Protocole
Cette étude porte sur 36 chevaux qui devaient choisir entre une personne attentive et une personne inattentive à eux pour aller quémander de la nourriture. Le cheval est relâché à plusieurs mètres de deux expérimentateurs : l’un attentif, l’autre inattentif. Les indices d’un expérimentateur attentif au cheval qui ont été testés sont : l’orientation du corps, de la tête (tournés vers le cheval ou dos au cheval) et les yeux : ouverts ou fermés. Les chercheurs ont aussi testé des signaux ambigus : corps vers le cheval mais tête ailleurs et vice-versa.
Figure 1 : Illustration des expériences menées dans le cas où le signal d’attention testé est l’orientation du corps de l’expérimentateur
Résultats
Lors des tests, les chevaux choisissent lors de plus de 70% des essais de quémander de la nourriture à l’expérimentateur qui montre des signes d’attention : yeux ouverts, corps et/ou tête tourné vers lui.
Figure. 2 Pourcentage de chevaux qui ont correctement choisi la personne attentive pour chaque type de signal. *P < 0.05
Discussion
Cette étude montre donc que les chevaux sont capables de lire finement des signaux de communication non-verbale humaine. Les chevaux ont ainsi une connaissance préexistante des états d’attentions des humains. Cette capacité peut s’expliquer principalement par : l’apprentissage transmis par la mère et les congénères durant leur vie, une sensibilité particulière aux signaux humains élaborée durant le processus de domestication, un héritage ancestral général. Ici, l’absence de corrélation entre âge et habileté (tests sur 2 poulains seulement) suggère que la sensibilité observée peut avoir un lien avec la génétique ou l’apprentissage précoce.
Les chercheurs interprètent le fait que le temps de réponse des chevaux augmente lorsqu’ils se trompent par une moindre confiance en leur choix. Le cheval aurait ainsi accès à une certaine métacognition.
Enfin cette recherche suggère que, dans le contexte de cette étude, les chevaux interprètent le contact fixe des yeux comme confortable. Il serait intéressant d’étudier plus généralement l’interprétation positive ou négative du regard humain par le cheval.
En savoir plus sur le protocole
L’échantillon de chevaux
Cette étude porte sur 36 chevaux (19 hongres et 17 juments) qui vivaient tous en groupe en extérieur et avaient de 10 mois à 38 ans. Les chevaux n’avaient pas de problèmes de vue connus et se laissaient facilement mener.
Le protocole de test est composé d’une phase d’entrainement suivie d’une phase de test.
Figure 3 : illustration du protocole d’entraînement et de test utilisé dans cette étude. La zone R correspond à la zone où le cheval est relâché pendant l’expérimentation. La zone C est celle où les deux expérimentateurs donnent une friandise ensemble pendant la phase d’entraînement. Lors du test, les deux expérimentateurs s’éloignent de C de façon symétrique, un de chaque côté.
1/ Phase d’entraînement
Cette phase a pour but de mettre en place chez le cheval la réponse : « aller vers l’humain pour récupérer une friandise». Le cheval est amené au point R, les expérimentateurs s’avancent pour lui donner une friandise. Les expérimentateurs reculent au point C, le cheval est ensuite mené en main pour venir chercher une friandise dans les mains des expérimentateurs. L’entraînement est considéré fructueux lorsque le cheval va voir les expérimentateurs dès qu’il est relâché. Quatre chevaux ont échoué à cette phase d’entraînement et ont alors été retirés de l’étude.
Pour éviter que le cheval n’apprenne à préférer l’un des deux humains, les friandises étaient données simultanément par les deux expérimentateurs avec leurs mains jointes.
2/ Phase de test
Cette phase a pour but de tester la capacité du cheval à repérer l’expérimentateur le plus attentif à lui. Le cheval est lâché à égale distance de deux expérimentateurs : l’un montre un indice d’attention (ex : yeux ouverts) alors que l’autre montre un indice d’inattention (yeux fermés). Les autrices de l’étude supposent qu’un cheval aura su lire l’indice d’attention s’il va quémander une friandise à l’expérimentateur qui montre l’indice d’attention (ex : yeux ouverts). Aucune récompense n’est donnée pendant les essais. Cependant après chaque essai, il y avait un essai renforcé (conditions de l’entraînement) pour maintenir la motivation des chevaux. Tous les essais étaient filmés puis analysés plan par plan. Les chercheurs observent vers quel expérimentateur va spontanément le cheval. Ils mesurent aussi le temps mis par le cheval pour rejoindre l’un des expérimentateurs.
Les chercheurs ont testé trois types de signes d’attention séparément (orientation du corps et de la tête, yeux ouverts ou fermés), mais aussi une combinaison ambiguë entre l’orientation du corps et de la tête pour voir si les chevaux donnaient la priorité à l’une de ces dimensions par rapport à l’autre (tête ou corps).
En savoir plus sur les résultats
Parmi les 42 chevaux qui ont participé aux entraînements, 6 ont montré un biais latéral en choisissant la gauche ou la droite pour tous les essais d’entraînement (4 chevaux dans l’entraînement avec les expérimentateurs attentifs et 2 chevaux pour l’entrainement avec les expérimentateurs inattentifs). Leurs résultats ont donc été exclus de l’analyse.
En moyenne, les chevaux ont choisi plus de la moitié du temps l’expérimentateur attentif. Ce résultat est significatif.
Figure 2 : Pourcentage de chevaux qui ont correctement choisi la personne attentive pour chaque type de signal. *P < 0.05
La mesure du temps mis pour le cheval à choisir vers quel expérimentateur aller révèle que les sujets mettent plus longtemps à faire un mauvais choix (approcher la personne inattentive) lorsqu’ils doivent décider à partir de la position de la tête ou du corps : ils sont moins sûrs d’eux dans ce cas-là. La moitié des 8 chevaux qui ont approché la personne inattentive a utilisé une stratégie pour gagner son attention : contournement pour rentrer dans le champ de vision ou coups de tête.
Sur les 36 chevaux, deux ont échoué à choisir un expérimentateur pour 3 essais consécutifs de signaux ambigus. Cette réponse a été codée comme une « non réponse » pour ce type de signal. Les réponses aux signaux ambigus n’ont pas donné de résultat significatif : le taux de réussite des chevaux n’était pas différent de ce qu’on aurait pu obtenir par hasard (50%). Les chercheurs proposent deux explications à cet « échec » : soit les chevaux ne reconnaissent pas le contact visuel comme un signal prioritaire, soit les chevaux interprètent le dos tourné comme un signal fort que l’humain ne veut pas interagir. D’autres études seraient nécessaires pour éclaircir ce point.
Références
Références
Cet article a été résumé par Audrey Lacondeguy et Aude Caussarieu. Il a été relu par Jean-François Florent. Les illustrations sont de Claire Béjat. Cet article a été édité par Stéphanie Ronckier et Émilie Fallet. La photo en bannière est de Leila Martins.
Référence complète de l’article :
Proops, L., & mccomb, K. (2010). Attributing attention: the use of human-given cues by domestic horses (Equus caballus). Animal Cognition, 13(2), 197 205.
Sélection de références citées dans cet article :
Vervill S, mcdonnell S (2008) Equal outcomes with and without human-to-horse eye contact when catching horses and ponies in an open pasture. J Equine Vet Sci 28:309–312
Mckinley J, Sambrook TD (2000) Use of human-given cues by domestic dogs (Canis familiaris) and horses (Equus caballus). Anim Cogn 3:13–22
Timney B, Keil K (1992) Visual acuity in the horse. Vis Res 32:2289–2293
Viranyi Z, Topal J, Gacsi M, Miklosi A, Csanyi V (2004) Dogs respond appropriately to cues of humans’ attentional focus. Behav Processes 66:161–172
Udell MAR, Dorey NR, Wynne CDL (2008) Wolves outperform dogs in following human social cues. Anim Behav 76:1767–1773