Poker face ou hyper réactif, le comportement du cheval reflète t-il son état de stress ?
Introduction
De nos jours, les pratiquants du monde équestre utilisent principalement le comportement pour déterminer si un individu semble stressé, sans pouvoir s’appuyer sur des mesures physiologiques. Les chevaux généralement plus impressionnants dans leurs attitudes, peuvent donner à penser qu’ils sont plus stressés et sont considérés comme des chevaux craintifs, quand les chevaux plutôt immobiles sont plutôt classés comme “têtus”, “paresseux” ou “désobéissants”.
Mais le comportement que présente un cheval face à une situation permet-il d’interpréter son état de stress ?
Les différentes études connues à ce jour suggèrent que le comportement seul d’un cheval ne peut refléter avec précision son état de stress. Et une interprétation incorrecte du comportement peut porter atteinte au bien-être du cheval et à la sécurité de tous.
Cet article s’appuie sur un curseur scientifique d’adaptation aux situations, qui catégorise les chevaux en deux types principaux :
- Les chevaux proactifs, c’est-à-dire qui vont être plus dans le mouvement face à une source de stress ;
- Les chevaux réactifs, qui emploient plutôt des attitudes figées et une absence de réponse apparente.
Méthode
L’étude est réalisée auprès de 46 chevaux, de sexe, de race et d’âge variés.
Deux tests, filmés afin d’obtenir un temps de passage précis, sont présentés de façon aléatoire :
Les manipulateurs sont uniquement autorisés à utiliser la pression sur la longe. D’autres signaux comme la voix, l’emploi de friandises ou le stick sont interdits.
Le test A est considéré comme réussi dès que le cheval place ses 4 pieds sur la bâche, le test B dès que le cheval traverse entièrement le rideau. Le tout dans un délai maximal de 3 minutes.
Les chercheurs s’intéressent à tous les comportements ne participant pas à la réussite du test (éviter l’objet, fuir…), classés sous le terme « refus ». Ils analysent tous les refus de plus de 10 secondes, puis catégorisent les individus en proactifs ou réactifs en fonction de leurs attitudes face au refus : se mettre dans le mouvement ou adopter une attitude figée.
Deux évaluations physiologiques du stress sont aussi réalisées au moment de l’entrée dans la carrière puis, immédiatement après chaque test :
- La mesure de la température oculaire et la différence entre les deux yeux
- La fréquence cardiaque et la variation du rythme cardiaque
Résultats
Aucun lien n’a pu être mis en évidence entre le temps de traversée pour les deux tests et le niveau de stress mesuré. Les chevaux traversent les embûches ou les refusent, peu importe leurs indicateurs physiologiques de stress.
Par exemple, pour l’indicateur de mesure de la température de l’œil ou de variabilité entre les deux yeux, les températures relevées avant ou après le test étaient quasiment identiques. 33,34 degrés avant le test A contre 33,10 degrés après le test A.
La proactivité pendant les tests n’était corrélée à aucun effet physiologique durant l’étude. Cela signifierait que les chevaux proactifs, plutôt démonstratifs et dans le mouvement, ne présentaient pas un score de stress plus élevé que les chevaux réactifs – aux attitudes plus figées.
Discussion
Que les équidés se montrent proactifs ou réactifs, les mesures individuelles de stress étaient variables pour chaque individu. Les chevaux proactifs ne sont donc pas forcément les plus craintifs ou les plus stressés.
Le comportement d’un cheval ne reflète donc pas nécessairement son état psychologique, mais résulterait bien d’une stratégie adaptative face à des stimuli aversifs.
Ces résultats suggèrent que les indicateurs comportementaux observables couramment utilisés dans le monde équestre manquent de fiabilité sur la capacité d’un cheval à tolérer une situation stressante. Un cheval stressé n’est donc pas un cheval qui réalise mal, voire pas les exercices.
Au quotidien, les chevaux sont entraînés à adopter les comportements souhaités ; les méthodes d’entraînement des chevaux pourraient donc avoir une importance sur le succès ou l’échec des tests, peu importe l’état de stress. Il apparaît donc important à la vue de ces résultats, d’entraîner les chevaux à répondre de façon fiable aux demandes humaines et d’abaisser leurs réactions face aux stimuli environnementaux, en évitant certaines manipulations ou ordres inappropriés.
A contrario, ne pas être conscient des niveaux de stress et forcer le cheval à accomplir une tâche peut altérer le bien-être, et dans les cas extrêmes, une exposition régulière et répétée à des stimuli aversifs peut conduire au développement de comportements inappropriés ou dangereux.