La vie au pré en troupeau après l’hébergement en box rend les chevaux optimistes.
Résumé
Introduction
Les chevaux ne peuvent pas nous dire verbalement si leurs conditions de vie leur conviennent. En revanche, l’évaluation des biais cognitifs peut fournir des informations sur l’état affectif d’un cheval et sur son bien-être.
Un biais cognitif permet d’évaluer rapidement les circonstances afin de prendre une décision rapide (Bilalic et al., 2010). Lorsqu’un état affectif positif prévaut, les animaux ont tendance à juger avec optimisme les situations ambiguës dans lesquelles ils se trouvent. À l’inverse, si c’est un état affectif négatif qui domine, les mêmes situations seront jugées avec pessimisme.
Löckener et al. ont utilisé cela pour juger du bien-être de chevaux selon leur mode d’hébergement (box ou pré en groupe).
Protocole
On a étudié 13 chevaux de loisir vivant dans la même écurie et hébergés dans les mêmes conditions.
Dispositif: Test de biais cognitif par discrimination spatiale :
Figure 1 : Protocole – biais cognitif observé via un exercice de discrimination spatiale
Lors de l’entraînement, on n’emploie que les positions SPos et SNeg (Fig. 1 ci-dessus). On place ces deux boîtes à 1 mètre environ de la ligne de départ. La boîte en position SPos est toujours récompensée et la boîte en position SNeg ne l’est jamais. Pour 7 chevaux, SPos est à gauche et SNeg à droite, pour les 6 autres, c’est l’inverse.
Quand l’entraînement est terminé (les chevaux ont bien compris SPos et SNeg), on commence le test de biais cognitif : on place une boîte sur l’une des 5 positions, dont les 3 centrales sont ambiguës (Fig.1). La seule position qui récompense vraiment le cheval reste SPos. On lâche le cheval et on observe s’il approche la boîte. On effectue ce test 9 fois par cheval.
Mesures :
On relève deux informations pour chaque placement de boîte : est-ce que le cheval a approché la boîte ? Si oui, combien de temps a-t-il mis à l’atteindre ?
Ces mesures devraient permettre de voir quel biais cognitif correspond à quel hébergement. Un biais cognitif positif est une distorsion dans le traitement de l’information qui amènerait davantage les chevaux à choisir les boîtes non récompensées. Si tel est le cas, on peut penser que les chevaux sont plus optimistes.
Hébergement
Figure 2: Protocole d’hébergement
- Pendant 7 mois, tous les chevaux vivent au box individuel la nuit et au pré en groupe le jour (= P1). C’est là qu’on les entraîne sur le dispositif ci-dessus et qu’on prend une première série de mesures.
- On isole ensuite tous les chevaux au box sans accès aux pâtures ni aux congénères, et sans les tester, durant 6 mois.
- Enfin, on sépare aléatoirement les chevaux en deux groupes : P2 (7 chevaux) retournent au pré en groupe le jour, HB (6 chevaux, le groupe témoin) reste au box individuel. Après 10 jours de ce régime, on réintroduit les chevaux au dispositif des boîtes et on refait des mesures.
Résultats
Les chevaux du groupe P2 ont montré un biais cognitif plus positif que ceux du groupe témoin HB lors de la 2e session de mesures. Ils ont plus approché la position ambiguë proche de SNeg que les autres (Fig. 3) Le retour à la vie au pré avec des congénères semble donc améliorer l’état affectif des chevaux.
Figure 3: Nombre de chevaux par groupe à approcher / ignorer MSNeg (position ambiguë proche de SNeg)
Ce résultat suggère que les chevaux doivent pouvoir exprimer certains comportements tels que l’exploration, les interactions sociales, le jeu ou le toilettage pour répondre à leurs besoins et se sentir bien. Le biais positif induit par la remise au pré avec des congénères semble s’atténuer au fil du temps, ce qui suggère que les chevaux s’habituent à leur environnement.
Discussion
Puisque les conditions de vie étaient les mêmes lorsque les chevaux de l’étude étaient au pré (P1) et quand ils y sont retournés (P2), nous pouvons supposer que les chevaux s’habituent à l’enrichissement de l’environnement et que l’effet du biais cognitif positif diminue avec le temps. On peut se demander pendant combien de temps ce biais persiste et si l’adaptation se produit de la même façon en cas d’appauvrissement ou d’enrichissement de l’environnement.