Les paniers de pâturage ont-ils des effets indésirables ?

Un cheval miniature broute au pré avec un panier de régime

Résumé

Introduction

Vivre au pré est le mode d’hébergement qui correspond le mieux aux besoins fondamentaux des chevaux, mais selon la richesse et l’abondance de l’herbe, des problèmes de surpoids peuvent survenir. Pour éviter cela, le recours au panier de pâturage permet de limiter la quantité d’herbe mangée par le cheval. Si cette solution semble bénéfique sur le plan physique, il n’existe aucune recommandation scientifique sur la durée quotidienne du port du panier. On peut également se demander si le panier entrave d’autres activités, comme le repos ou le toilettage, et s’il est bien accepté par le cheval sur le plan moral. À travers l’analyse de plusieurs indicateurs comportementaux et physiologiques, K. Davis et son équipe cherchent à savoir si, selon sa durée, le port du panier de pâturage a des effets sur le poids, les activités et le niveau de stress du cheval.

Méthode

Six chevaux miniatures en surpoids sont hébergés individuellement en petites pâtures mitoyennes de 1100m² pendant trois périodes successives de 21 jours.
Tout au long de chaque période, deux chevaux ne portent pas de panier (P0), deux autres le portent en journée pendant 10 heures (P10) et les deux derniers en continu (P24). Tous les 21 jours, les chevaux changent de traitement pour que les six chevaux soient étudiés dans les trois conditions. Ils débutent chaque nouvelle période dans une parcelle non pâturée. Quatre indicateurs comportementaux et physiologiques sont étudiés pour mesurer les effets du port du panier (Tableau 1).

Tableau 1. Indicateurs étudiés, méthode et fréquence de mesure.

Tableau 1. Indicateur 1 Poids et mesures corporelles : Pesée sur plateau pèse - chevaux 1 fois par semaine  et Note d'Etat Corporel (NEC) et mesures complémentaires (épaisseur du chignon, circonférence abdominale) réalisées par un expert en J1 et J21. Indicateur 2 Fréquence et durée des activités et des comportements préalablement listés (broute, au repos, marche, se toilette, se couche, se gratte la tête, se secoue, tape du pied au sol ou en l'air…) sont comptabilisés à partir de vidéos (2h /j, 2j par semaine). Indicateur 3 Refus du panier : chaque matin le soigneur observe et  note le comportement du cheval selon une échelle de score à 5 points: 1 volontaire et coopératif ; 2 calme ; 3 accepte mais montre des signes d'évitement et d'inconfort ; 4 refuse, évite ; 5 réaction défensive. Indicateur 4 Niveau de stress: Fréquence et variations cardiaques par monitoring  et Taux de cortisol à partir d'un test salivaire sont évalués 1 fois par semaine.

Résultats

En moyenne, sur 21 jours, les pesées montrent une très légère perte de poids (-1,5 kg ± 0,6) pour les chevaux ayant porté le panier en continu (p = 0,008), mais la NEC reste identique. Dans les deux autres traitements, les chevaux ont pris en moyenne : 1,4 kg (± 0,6) pour P0 et 1,9 kg (± 0,6) pour P10 (p = 0,008).

Le port du panier de pâturage perturbe le budget-temps du cheval : au regard de la situation de référence en P0 (sans panier), on constate qu’en P10 et P24, la durée de chaque activité est fortement modifiée avec un impact différent selon la durée du port du panier (Figure 1).

Figure 1 Répartition moyenne du temps par activité par traitement: Brouter 66,3% en P0, 49,7% en P10 et 78% en P24; au repos 11% en P0, 27,6% en P10 et 3,8% en P24; marcher 8,3% en P0, 5,7% en P10 et 5,5% en P24; se coucher 4,7% en P0, 13,5% en P10 et 1,8% en P24; se toilette avec la bouche 0,1% en P0 et P10, 0,03% en P24.
Figure 1. Répartition moyenne (en pourcentage) du temps imparti par activité par les chevaux selon les trois traitements P0, P10 et P24, sur 2h (p < 0,05).

La moyenne des scores de refus du panier ne diffère pas entre P10 et P24 mais passe de 2,6 à 3 (± 0,1) en troisième semaine d’expérimentation (plus de signes d’inconfort).

Les mesures physiologiques de stress ne montrent pas de différence significative entre les traitements.

Discussion

À la lumière de cette étude, le panier porté en continu permet d’éviter la prise de poids. D’autres études pourront être mises en œuvre pour préciser dans quelles conditions le panier pourrait permettre d’en perdre. Par contre, si l’étude ne révèle pas de signe de stress, elle montre que les paniers perturbent la répartition du budget-temps. Les chevaux se déplacent moins, et en P10, ils se reposent et se couchent plus, ce qui dans une certaine mesure va à l’encontre de l’objectif de perte de poids. Enfin le toilettage est rendu difficile, ce qui pose aussi la question de l’impact sur les contacts sociaux.

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Les chevaux

Six chevaux miniatures adultes, 3 hongres et 3 juments, sont impliqués. Ils sont tous en surpoids, pesant en moyenne 230 kg (± 19,6 kg) et obtiennent une NEC de 6 sur l’échelle de Henneke (1985) qui compte 9 stades, ce dernier indiquant l’obésité. En amont de l’étude, les chevaux ont été habitués à porter les paniers, ils ont été vermifugés, les pieds ont été parés et la dentition a été vérifiée et soignée si nécessaire.

Chaque jour entre 8h et 8h30, les paniers sont retirés le temps du pansage permettant de vérifier qu’il n’y aucune blessure et de complémenter les chevaux en vitamines et minéraux.  

Le carré latin

Six chevaux, est-ce suffisant pour rendre cette étude pertinente ? En appliquant la méthode du carré latin en 3 x 3 , c’est-à-dire trois traitements (P0, P10, P24 ) appliqués durant trois périodes à chaque cheval, on obtient 18 observations réalisées (Tableau 2).

Tableau 2. Le carré latin appliqué dans l’étude : trois périodes et trois traitements

Tableau 2: dessin du carré latin montrant les trois traitements, chacun attribué à deux chevaux et répartis sur chaque période.

Une étude complémentaire a été menée par la même équipe en hébergeant cette fois-ci six chevaux miniatures en groupe. Le protocole mis en place est similaire au premier : trois périodes de 21 jours, trois traitements distribués de façon aléatoire dans le groupe. Les indicateurs étudiés sont les mêmes avec en plus la distance parcourue sur 24h calculée grâce à des GPS fixés sur les chevaux. Les résultats sont présentés rapidement dans la partie “En savoir plus sur les résultats”.

En savoir plus sur les résultats

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Le poids

La perte de poids en traitement P24 s’observe sur les deux premières semaines, -3,6 kg et -2,4 kg en moyenne (± 0,6), puis les chevaux reprennent du poids en troisième semaine, + 1,4 kg (± 0,6). Il est possible que les chevaux s’adaptent et « utilisent mieux” le panier au bout d’un certain temps ; ils passent également plus de temps à s’alimenter sur la journée (Fig. 1). Enfin, cette perte de poids n’est pas accompagnée d’une baisse de la NEC, ce qui pourrait laisser penser que les chevaux n’ont pas réellement perdu de masse mais que leur intestin est moins rempli au moment des pesées, particulièrement la première semaine où ils découvrent l’utilisation du panier. En traitement P10, on observe au contraire une prise de poids qui est même supérieure  au traitement P0 sur la première semaine : en moyenne P10 + 3,8 kg (± 0,6) contre P0 + 2,6 kg (± 0,6). Ceci peut s’expliquer d’abord par une réaction de compensation : suite à la restriction subie par le port du panier durant 10h, les chevaux “se rattrapent” une fois le panier enlevé et mangent plus d’herbe durant les 14h sans panier. Ensuite, sur ce même traitement, il a été observé un temps beaucoup plus long à rester couché et à se reposer (Figure 1), ce qui implique que le cheval bouge moins et donc dépense moins d’énergie.

Figure 1 Répartition moyenne du temps par activité par traitement: Brouter 66,3% en P0, 49,7% en P10 et 78% en P24; au repos 11% en P0, 27,6% en P10 et 3,8% en P24; marcher 8,3% en P0, 5,7% en P10 et 5,5% en P24; se coucher 4,7% en P0, 13,5% en P10 et 1,8% en P24; se toilette avec la bouche 0,1% en P0 et P10, 0,03% en P24.
Figure 1 .Répartition moyenne (en pourcentage) du temps imparti par activité par les chevaux selon les trois traitements P0, P10 et P24, sur 2h (p < 0,05).

Le refus du panier

Les chevaux ont plutôt montré des réactions d’adaptation, mais la moyenne des scores de refus est passée de 2,6 à 3 (+/- 0,1) en troisième semaine. Les comportements exprimant de la frustration, comme gratter le sol d’un antérieur ou des hochements de tête répétitifs n’ont été observés que sur un seul cheval durant le traitement P24, suggérant un inconfort attribué à cet individu en particulier. 

NDLR : Quoiqu’installés dans des parcelles mitoyennes, les chevaux étaient hébergés individuellement. Le port du panier de pâturage est-il compatible avec une vie en groupe ? Quid des comportements sociaux tels que le toilettage mutuel ?

Résultats de l’étude complémentaire hébergeant les chevaux en groupe

Concernant la perte de poids, le budget-temps, le refus du panier et le niveau de stress, les résultats sont identiques à ceux obtenus dans la première étude. Concernant la distance parcourue, bien que des différences dans l’intensité des déplacements ou les moments où ils sont réalisés soient notables entre les traitements, tous les chevaux parcourent en moyenne 6,5 km/j  (± 0,65). Le nombre de données recueillies était insuffisant pour répondre à la question du toilettage mutuel. Le port du panier ne semble pas avoir d’incidence sur l’organisation hiérarchique du groupe. Enfin, il serait bénéfique pour la santé en ralentissant le rythme cardiaque lors du pâturage. Mais ces questions demanderaient à être approfondies dans de futures études.

Références

Les références

Cet article a été résumé par Fanny Carrière et Lucie Chazallon. Il a été relu par Nadège Bélouard, Juliane Demellier et Stéphanie Ronckier. Il a été mis en ligne par Stéphanie Ronckier. Les illustrations sont de Claire Béjat et Lucie Chazallon. La photo de bannière et de miniature appartient à Laura Bedjai.

Référence complète de l’article 

K. Davis et al., Effects of grazing muzzles on behavior and physiological stress of individually housed grazing miniature horses, Applied Animal Behaviour Science 231 (2020) 105067, https://doi.org/10.1016/j.applanim.2020.105067 

L’étude complémentaire 

K.Davis et al., Effects of grazing muzzles on behavior, voluntary exercise, and physiological stress of miniature horses housed in a herd, Applied Animal Behaviour Science, Volume  232,November 2020, 105108, https://doi.org/10.1016/j.applanim.2020.105108 

Quelques références intéressantes citées dans l’article

Henneke, D.R., Potter, G.D., Kreider, J.L., Yeates, B.F., 1983. Relationship between condition score, physical measurements and body fat percentage in mares. Equine Vet. J. 15 (4), 371–372. https://doi.org/10.1111/j.2042-3306.1983.tb01826.x.

Longland, A.C., Barfoot, C., Harris, P.A., 2011. The effect of wearing a grazing muzzle vs not wearing a grazing muzzle on pasture dry matter intake by ponies. J. Equine Vet. Sci. 31 (5-6), 282–283. https://doi.org/10.1016/j.jevs.2011.03.105 

Longland, A.C., Barfoot, C., Harris, P.A., 2016b. Efficacy of wearing grazing muzzles for 10 hours per day on controlling body weight in pastured ponies. J. Equine Vet. Sci.45, 22–27. https://doi.org/10.1016/j.jevs.2016.04.015.

[Résumé] « Effets du port d’un panier de pâture sur le comportement et le stress physiologique de chevaux miniatures hébergés au pré », K. Davis et al., 2020
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