Retour sur le WE organisé par le groupe Vulgarisation

Affiche "Parlons de cheval et de sciences

Une grande première !

Les 10 et 11 août 2019, plus d’une quinzaine de curieux et de professionnels du monde équestre se sont réunis dans le superbe cadre du Teich, près de Bordeaux, pour le premier week-end organisé par le groupe Vulgarisation. Notre objectif au sein de l’Association pour le Développement des Sciences équines ? Contribuer à la connaissance et à la diffusion de celle-ci pour les professionnels et les amateurs, scientifiques ou non… Autrement dit : la vulgarisation scientifique est au coeur de notre « mission ».

Au programme

Ce week-end devait nous permettre d’une part de nous rencontrer et de passer du temps entre membres de l’association et d’autre part, d’améliorer notre compréhension de ce qu’est la vulgarisation scientifique et de ses enjeux. Nous nous sommes posé les questions de :

  • la communication des sciences ;
  • ce qu’on peut attendre des sciences équines ;
  • comment juger de la qualité d’une information ;
  • comment trouver et lire une étude scientifique ;
  • comment changer d’avis et convaincre avec les sciences ;
  • quels sont nos biais cognitifs.

Des ateliers ambitieux et passionnants !

Photo de groupe au Teich
Photo de groupe au Teich

Le samedi – Communiquer des sciences équines : pourquoi et comment ?

La joie des rencontres "en chair et en os"
La joie des rencontres « en chair et en os »

Après avoir accueilli tous nos participants, nous nous sommes d’abord penchés sur la communication des sciences équines ainsi que sur l’accès et la compréhension d’articles scientifiques.

Conférence et témoignages : comment communiquer des sciences (équines, qui plus est) ?

Pour entrer dans le vif du sujet, nous avons commencé par une conférence de la Présidente de l’Association à ce moment-là : Aude CAUSSARIEU qui posait la question de « Comment communiquer des sciences ». Nous avons ensuite écouté les retours d’expériences très intéressants de trois membres non scientifiques de l’association. Nous nous sommes enfin demandé ce qu’on pouvait attendre des sciences équines, et quelles étaient les limites de la communication scientifique avec une table ronde de trois experts : Aude CAUSSARIEU (chercheuse en didactique des sciences), Hélène ROCHE (éthologiste et vulgarisatrice scientifique depuis 10 ans) et Renaud SUBRA (ayant des expériences dans le monde du cheval et celui de la communication).

Table ronde samedi matin
Aude CAUSSARIEU interroge trois membres non scientifiques de l’association.

Accéder aux sciences équines :

Accéder à la recherche scientifique et la comprendre n’est pas chose facile… C’est pourquoi Hélène ROCHE nous a guidés lors d’un atelier passionnant sur la distinction entre “info” et “intox”. À l’ère des “fake news”, il faut plus que jamais savoir faire le tri – ok, mais comment ? Quelques clés transmises lors de cet atelier :

  •   Questionner la source: qui écrit ? L’expertise de la source relève-t-elle du bon champ de connaissances ?
  •   Le ton est-il persuasif (appelant aux émotions et sentiments) ou convaincant (listant des arguments rationnels et logiques) ? Vous invite-t-on à réfléchir par vous-même ?
  •   Le document cite-t-il des sources multiples et sérieuses, par exemple des revues scientifiques revues par des pairs, ou bien est-ce une boucle close où chaque source fait écho à l’autre ?
On se réveille avant de (re)découvrir d'utiles sources scientifiques
On s’active entre le déjeuner et la présentation d’outils de recherche précieux

Nous avons ensuite exploré quelques outils de recherche avec Romain ALLIER : de la partie “Discussion” des pages Wikipedia, où on peut trouver des ressources fiables, à Google Scholar, un outil précieux qui peut nous aider à définir les mots-clés les plus à même de nous aider à trouver des études pertinentes, en passant par l’équipédia de l’IFCE ou HAL, une plateforme utile pour trouver des bibliographies et états des lieux gratuitement.

Lire et comprendre une étude scientifique : quelques clés :

Une fois que nous avons déniché un article scientifique sur le sujet qui nous intéresse, reste à le lire et le comprendre…

Aude CAUSSARIEU nous a expliqué la structure d’une étude scientifique et donné des astuces pour savoir comment la lire. Nous nous y sommes entraînés avec un petit exercice amusant : prenez un article scientifique. Lancez un minuteur, donnez-vous 5 ou 10 minutes et trouvez :

  •   Le thème
  •   La question de recherche et la thèse des chercheurs
  •   Le protocole en bref
  •   Les résultats en bref
  •   Quelles questions demeurent ?

C’est un excellent moyen de vous forcer à aller droit au but sans vous perdre dans les détails, pour commencer votre exploration…

L’autre aspect parfois problématique des articles scientifiques est d’en comprendre les graphiques. Encore une fois Aude a éclairé nos lanternes pendant un atelier très didactique où même les moins scientifiques de la bande ont compris comment ça marchait !

Bon appétit
Repas convivial

“The” conférence du week-end : Hélène Roche

Le samedi s’est conclu en beauté après un dîner convivial avec la conférence de notre intervenante phare : Hélène ROCHE, qui est revenue sur les enseignements tirés de plus de dix ans de vulgarisation en sciences équines.

La conférence d'Hélène Roche
Hélène ROCHE nous parle de ses dix ans d’expérience en vulgarisation équine.

Ce qu’on a appris en bref :

L’une des leçons marquantes de cette première journée, est que le concept même de “vérité scientifique” n’est qu’un but vers lequel on tend, une des conditions sine qua non d’une théorie scientifique étant sa réfutabilité. Cela veut dire qu’une étude scientifique vise à tester une hypothèse via un protocole d’expérimentation qui peut la réfuter, montrer qu’elle est fausse. S’il y a une “vérité scientifique”, elle se limite à un contexte très restreint – celui de l’expérience menée – et ne tient que jusqu’à preuve du contraire ou jusqu’à ce qu’on l’améliore encore.

Il faut donc du temps pour qu’une hypothèse scientifique soit élaborée, formulée, testée de différentes manières et enfin admise comme théorie scientifique si aucun test n’a pu la contredire. À cela s’ajoutent les délais de publication et les budgets relativement modestes alloués aux recherches équines.

Donc les sciences équines ne sont pas une solution miracle pour nous dire ce qu’on doit faire, mais un outil essentiel pour nous fournir des pistes de réflexion et des résultats valides dans un contexte particulier.

Le dimanche – Comment convaincre avec les sciences ?

Après avoir déterminé les enjeux de l’accès et de la compréhension des connaissances scientifiques le samedi, la question qui restait le dimanche était comment diffuser ces connaissances et être un vecteur de changement d’avis.

Table ronde: qu’est-ce qui nous fait changer d’avis ?

Nous avons d’abord fait une table ronde où chacun.e a pu partager des anecdotes sur un moment clé où il-elle a changé d’avis (dans son approche du cheval) et le(s) facteur(s) de ces évolutions. Nous avons ainsi mis en commun certains points récurrents bons à garder en tête pour se faire une idée du type de cheminement qui pourrait amener un interlocuteur à changer d’avis – ou bien s’apercevoir que la personne en face de nous n’est pas prête à bouger pour l’instant !

Atelier: convaincre ou persuader, quand les sciences prennent le contrepied du quotidien

Aude CAUSSARIEU est ensuite revenue sur le contraste entre discours scientifique et discours quotidien. On ne convainc pas de la même manière selon notre casquette et situation ! Il est intéressant de remarquer que les informations scientifiques découlent d’un raisonnement qui n’est ni intuitif, ni convainquant pour la plupart des gens. Ce qui parle à un scientifique ne parle pas forcément au grand public !

Convaincre, mais dans quel but ?

Il y a un point qui a souvent été évoqué pendant nos échanges : l’aspect éthique demeure au coeur de nos préoccupations. Avant de se demander comment convaincre un(e) tel(le), il faut se demander “pourquoi ?”. Bien comprendre pourquoi on souhaite déclencher un changement et remettre en question ce désir nous semble essentiel. Il faut aussi garder à l’esprit que la vulgarisation scientifique n’est pas là pour faire changer d’avis mais pour informer. Chacun doit rester libre de prendre ses propres décisions et de faire son propre chemin avec ces connaissances.

Biais cognitifs : connaître les pièges pour mieux les éviter

Nous avons conclu ce week-end avec une présentation passionnante de Marie LEJEUNE sur les biais cognitifs qui nous a éclairé sur les pièges de notre cerveau.

Nous avons par exemple appris que notre cerveau allait mieux se souvenir de ce qu’on apprend en premier (ce qu’on appelle “l’effet de primauté”) ou de la dernière information que l’on a reçue (“l’effet de récence”).

Un autre biais très important à garder en tête lors des recherches scientifiques est le “biais de l’expérimentateur” ou “effet pygmalion” : les attentes de l’expérimentateur influent alors sur la performance.

Notre cerveau est également sujet au biais de confirmation : on prête plus d’attention à tout ce qui va dans notre sens, et au biais de dissonance cognitive : on va avoir tendance à réfuter ou accuser ce qui ne va pas dans notre sens. Difficile donc de changer d’avis, mais prendre conscience de tous ces biais est très probablement une des premières clés pour être capable de les éviter.

Enfin, pour celles et ceux qui le pouvaient, nous avons fini la journée avec une agréable promenade dans la réserve ornithologique du Teich !

Promenade ensoleillée pour conclure le week-end
Promenade ensoleillée pour conclure le week-end

Ce fut donc un week-end riche en enseignements, questionnements et partages qui s’est achevé bien trop vite et nous a laissés avec mille et une questions à développer lors d’une prochaine rencontre !

Merci…

Merci à Chantal LAURENTIN et au personnel du TEICH qui ont fait de ce week-end un plaisir (qu’est-ce qu’on a bien mangé !), à Hélène ROCHE pour sa conférence et ses interventions multiples, à Aude CAUSSARIEU sans qui ce week-end n’aurait pas eu lieu, à Renaud SUBRA pour ses interventions, et à l’équipe vulgarisation et les membres de l’APDSE (special shout-out to Romain, Juliette, Marie et Claire pour l’organisation, les graphismes, les photos et la compta !) qui ont apporté une aide précieuse dans l’organisation et le déroulement du week-end en soi. Et un grand merci à tou.te.s les participant.e.s, c’était chouette !

Photo de groupe au Teich
La fine équipe au Teich

Quelques pistes de lecture (par ordre alphabétique)…

Breton, P. (2008), Convaincre sans manipuler, Apprendre à argumenter, La Découverte.

Despret, V. (2002), Quand le loup habitera avec l’agneau, Les empêcheurs de penser en rond.

Despret, V. (2014), Que diraient les animaux… si on leur posait les bonnes questions ? La Découverte.

Despret, V. et Porcher, J., (2007), Etre bête, Actes Sud.

Kahneman, D., (2012) Système 1 / Système 2: les deux vitesses de la pensée, Flammarion.

Lansade, L., (2015) Travailler son cheval selon les principes de l’apprentissage

IFCE – Haras nationaux, Guide pratique des Haras nationaux

Leblanc, M-A., (2010), L’esprit du cheval: Introduction à l’éthologie cognitive du cheval – Intelligence – Cerveau – Perception, Belin.

Richmond, R.G., (2006), An introduction to Piaget, Routledge (pour une introduction aux théories de l’apprentissage de Piaget et la différence entre assimilation et accommodation).

Shannon, C. E., et Weaver, W., (1949) The Mathematical Theory of Communication, University of Illinois Press

Tavris, C. et Aronson, E. (2016) Pourquoi j’ai toujours raison et les autres ont tort, Clés des Champs

Rédigé par Stéphanie RONCKIER, animatrice du groupe vulgarisation. Relu par Claire BÉJAT et Laura ARMAND, membres du groupe vulgarisation. Photographies de Claire BÉJAT.

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