Grimaces faciales : quand votre cheval vous dit qu’il a mal aux dents…

Gros plan sur les dents d'un cheval

Résumé

Les problèmes bucco-dentaires peuvent avoir des conséquences physiologiques et comportementales chez le cheval : perte de poids, refus du contact avec le mors, réticences au travail… La douleur provoquée par les troubles dentaires est difficile à identifier comme origine de ces symptômes, car sa manifestation locale est peu visible chez les chevaux. Un système de codage de la douleur nommé HGS (Horse Grimace Scale), basé sur la « lecture » d’une gamme d’expressions faciales qu’émet le cheval lorsqu’il ressent de la douleur, est déjà utilisé et éprouvé dans les cas de castration, de colique ou de traumatisme. M. M. Coneglian et son équipe ont testé l’efficacité de l’outil HGS pour identifier les douleurs dentaires, dans le but de pouvoir apporter des soins au plus tôt. L’équipe s’est demandé :

  • Si l’outil HGS permet de détecter les douleurs dentaires ;
  • Si oui, est-il aussi efficace à partir de photographies qu’en face-à-face avec le cheval ?
  • Si cette échelle obtient de meilleurs diagnostics qu’une observation simple uniquement basée sur l’expérience professionnelle.

Méthode

Suite à examen dentaire, 33 chevaux ayant des pathologies pouvant causer de la douleur ont été sélectionnés pour l’étude.

L’utilisation de l’échelle HGS est basée sur l’observation des expressions faciales sur six zones précises. Plus les expressions sont présentes, plus le niveau de douleur est sévère (Fig. 1).

Figure 2 : a. Cheval exprimant de la douleur (d’après Dalla Costa et al., 2014) b. Cheval ne montrant aucun signe de douleur
Figure 1 : a. Cheval exprimant de la douleur (d’après Dalla Costa et al., 2014) ; b. Cheval ne montrant aucun signe de douleur.

Les chevaux sont évalués avec l’échelle HGS en présentiel par un même vétérinaire une première fois avant les soins dentaires puis une deuxième fois quinze jours après les soins. La tête de chaque cheval est photographiée de profil à 1 mètre de distance juste après chaque évaluation. 

Les soins dentaires étant supposés soulager la douleur du cheval, la comparaison du score HGS avant et après les soins doit permettre de savoir si l’échelle HGS est en mesure d’identifier la douleur dentaire. Pour vérifier si l’outil est aussi efficace sur photo qu’en présentiel, trois autres vétérinaires ont évalué ces photographies en utilisant l’outil HGS.

Enfin, pour savoir si un diagnostic avec l’outil HGS est meilleur que celui fait sans recours à l’outil, ces mêmes photographies sont évaluées par quatre autres vétérinaires se basant uniquement sur leur expérience professionnelle.

Résultats

Évaluations avec l’échelle HGS
Le graphique montre la moyenne des scores des évaluations avec l'outil HGS avant et après les soins dentaires. L'évaluateur en présentiel a noté entre 2 et 3 points avant les soins, et a noté entre 0 et 1 après les soins. l'évaluateur sur photo n°1 a noté un peu plus de 4 avant les soins et moins de 2 après les soins; l'évaluateur sur photo n° 2 a noté un peu moins de 4 avant les soins et un peu moins de 2 après les soins; l'évaluateur sur photo n° 3 a noté entre 4 et 5 avant les soins et entre 2 et 3 après les soins.
Figure 2 : scores moyens obtenus sur l’échelle HGS avant (gauche) et après (droite) les soins dentaires en présentiel (P) ou sur photo (E1, E2, E3) ; (p< 0,0001)

L’utilisation de l’outil HGS montre une diminution significative du niveau de douleur entre avant et après les soins dentaires pour les quatre évaluateurs (Figure 2). Sur photographies (E1, E2, E3), les évaluateurs utilisant l’échelle HGS obtiennent des scores proches entre eux, mais plus élevés que l’évaluateur en présentiel (P, Fig. 2).

Évaluations sans l’échelle HGS

Seulement deux évaluateurs sur les quatre qui se basaient uniquement sur leur expérience ont observé une baisse du niveau de la douleur. Les scores attribués sont nettement plus faibles (entre 1 et 2 points), particulièrement pour le diagnostic avant les soins et ne sont pas homogènes entre les quatre évaluateurs.

Discussion

Dans cette étude, l’échelle HGS a donc montré son efficacité pour détecter et quantifier les douleurs dentaires des chevaux : elle a permis de détecter une nette diminution de la douleur  entre avant et après les soins dentaires, tandis qu’une évaluation sans cet outil a sous-estimé la douleur et parfois même ne l’a pas détectée. L’échelle HGS est donc recommandée aux vétérinaires comme un outil fiable, qui pourrait devenir indispensable. Même si les auteurs signalent des biais possibles (la fiabilité des photographies par rapport à la réalité et d’éventuelles interférences de communication animal-cheval lors de l’évaluation en présentiel), bien mise en œuvre, cette échelle se révèle très efficace.

En savoir plus sur le protocole

Les chevaux

Les 33 chevaux de l’étude ont été observés dans leurs conditions habituelles d’hébergement. Leurs caractéristiques étaient :

  • âgés entre 2,5 ans et 16 ans
  • mâles et femelles
  • de race quarter horse, criollo ou arabe
  • utilisés dans le travail du bétail ou comme chevaux de sport
  • sans traitement médical en cours
  • n’ayant subi aucun traitement dentaire dans les 6 derniers mois, de façon à ce qu’au moins certains d’entre eux aient développé des pathologies dentaires douloureuses et puissent montrer une amélioration après les soins pour vérifier l’efficacité de la méthode.

Et en effet l’examen dentaire pratiqué entre les deux évaluations présentielles a révélé de nombreuses pathologies chez tous les chevaux, dont la plus courante, le phénomène de surdent (Tableau 1).

Tableau 1 : Détails des pathologies dentaires des 33 chevaux évalués. QH : Quarter Horse, C : Criollo, A : Arabe

Le tableau détaille les pathologies dentaires par cheval . Sur 33 chevaux, 30 souffrent de surdents. Seulement six chevaux ne souffre que d'une seule pathologie (surdents), les 27 autres souffrent de deux, trois, quatre, voire cinq pathologies en même temps : en plus des surdents, il y a  des problèmes de tartre, crochets, ulcération de la muqueuse, dent de loup, rampe, coiffe et parodontite.

NDLR : cette étude permet de noter que des pathologies bucco-dentaires peuvent apparaître ou réapparaître dans les six mois suivant un examen dentaire.  Au-delà de la question de l’utilisation de l’échelle HGS, il est important pour la santé des chevaux d’apporter régulièrement des soins dentaires, et ce à tout âge. Ainsi, lorsque le cheval exprime des grimaces faciales de douleur et que le vétérinaire a écarté d’autres origines possibles, on peut penser à faire contrôler les dents.

L’échelle HGS

Elle a été élaborée par Dalla Costa et al. (2014). 

Six zones de la tête du cheval sont observées. Pour chaque zone, un score est attribué : 0 = signe absent, 1 = signe modéré, 2 = signe très présent. Plus le score final est élevé (jusqu’à 12 points), plus le niveau de douleur est sévère (Fig. 1).

Figure 2 : a. Cheval exprimant de la douleur (d’après Dalla Costa et al., 2014) b. Cheval ne montrant aucun signe de douleur
Figure 1 : a. Cheval exprimant de la douleur (d’après Dalla Costa et al., 2014) ; b. Cheval ne montrant aucun signe de douleur.

Cette échelle d’évaluation a plusieurs avantages : elle est facile à utiliser et peu chronophage. Mais une formation est toutefois indispensable pour l’utiliser correctement.

En savoir plus sur les résultats

Concernant l’efficacité de l’échelle HGS

On note que les scores de douleur après les soins dentaires sont nettement en baisse pour les évaluateurs HGS (présentiel et photo), ce qui montre que l’outil quantifie bien le niveau de douleur. Seulement deux évaluateurs sur les quatre qui se basaient uniquement sur leur expérience ont observé une baisse du niveau de la douleur, ce qui montre que le recours à l’outil HGS permet d’éviter de sous-évaluer les problèmes dentaires.

Concernant l’évaluation sur photographie

L’évaluateur en présentiel a attribué des scores de douleur plus faibles que ceux qui ont évalué sur photographies. L’étude précise qu’une grande vigilance a été de mise lors de la capture des photos pour coller à la réalité. Il est possible que sur photo, la présence des critères de douleur soient un peu surestimés. L’équipe recommande que la personne prenant la photo s’assure de ne pas engendrer de perturbation, en se faisant oublier, pour que le cheval s’exprime sans gêne et que la photo soit aussi fidèle que possible à la réalité.

Enfin des interférences de communication animal-humain lors de l’évaluation en présentiel peuvent modifier les expressions faciales du cheval. Pour éviter ce biais, l’observateur doit être discret et doit prendre le temps de se faire oublier avant de commencer l’évaluation. Dans l’étude, le vétérinaire a laissé dix minutes aux chevaux pour qu’ils s’habituent à sa présence avant de commencer son évaluation qui, elle, a duré 1 minute.

Références

Références

Cet article a été résumé par Lucie Chazallon et relu par Nadège Bélouard et Laura Steinmetz. Les illustrations sont de Claire Béjat. La photo de miniature et de bannière appartient à Adéla Holubová de Pixabay. Cet article a été édité par Stéphanie Ronckier.

Référence complète de l’article

Coneglian, M.M. et al. (2020), Use of the horse grimace scale to identify and quantify pain due to dental disorders in horses. Applied Animal Behaviour Science, Volume 225, April 2020, 104970. https://doi.org/10.1016/j.applanim.2020.104970

Bibliographie intéressante

Dalla Costa, E., Minero, M., Lebelt, D., Stucke, D., Canali, E., Leach, M.C., 2014. Development of the Horse Grimace Scale (HGS) as a pain assessment tool in horses undergoing routine castration. PLoS One 9, 1–10 https://doi.org/10.1371/journal.pone.0092281

Dalla Costa, E., Stucke, D., Dai, F., Minero, M., Leach, M.C., Lebelt, D., 2016. Using the horse grimace scale (HGS) to assess pain associated with acute laminitis in horses (Equus caballus). Animals 6, 47. https://doi.org/10.3390/ani6080047

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