Quelles sont les variations des teneurs en fructanes et sucres simples d’une plante, le dactyle, selon la saison et le moment de la journée dans une prairie américaine ?

résumé article dactyle

Résumé

La question de recherche :

Pour répondre à ses besoins alimentaires, le cheval doit consommer en majorité des fourrages (herbe/foin). Ces derniers contiennent différents composants comme :

  • des sucres simples (saccharose, fructose, glucose),
  • des fructanes,
  • de la cellulose et de la lignine, qui sont des fibres dites insolubles et dégradées dans le gros intestin du cheval par des microorganismes.


Le dactyle, herbe commune de nos prairies appartenant à la famille des graminées (cf encart bleu pour des définitions plus détaillées), est régulièrement consommé par le cheval. Comme d’autres plantes, il accumule au cours de son cycle de vie fructanes et sucres simples dans ses tissus. Ces glucides sont stockés ou utilisés pour la croissance en fonction de différents facteurs. Leurs quantités varient en fonction des saisons (l’herbe est plus riche au printemps et à l’automne) mais aussi en fonction du moment de la journée.

Pourquoi est-il intéressant de connaître la façon dont le dactyle stocke les glucides au cours du temps ?

Les sucres sont impliqués chez le cheval dans différentes maladies s’apparentant au diabète chez l’humain. Une meilleure gestion de leur consommation par les équidés est donc, pour les sujets sensibles à ce type de troubles, un levier non négligeable pour favoriser leur bonne santé.

Protocole et résultats

Pour mieux appréhender l’évolution des glucides dans la plante, une expérience a été menée dans l’Etat de Virginie aux Etats-Unis (où les étés sont très chauds et les hivers caractérisés par des précipitations intenses mais pas forcément importantes en quantité d’eau tombée). Du dactyle a été prélevé pendant 8 semaines matin et soir. Une partie a été séchée à l’air pour simuler le foin, le reste a été congelé pour préserver les sucres. Les concentrations en fructanes et sucres simples ont été mesurées par deux méthodes d’analyse chimique.

Les résultats montrent que les concentrations les plus élevées en glucides sont observées au début du printemps. Il y a ensuite une diminution progressive des teneurs en sucres au cours de la saison. Les teneurs en fructanes passent de 8% de la matière sèche à 1,7%. Les teneurs en sucres simples (saccharose + fructose + glucose) passent de 11,2 à 4% de la matière sèche. L’effet du traitement et du moment de coupe est différent selon les sucres testés.

Fig 1 : Variation de la teneur en fructanes en fonction du traitement et du moment de la journée. Les astérisques expriment des résultats significatifs avec une p-value de 5%.

Discussion :

D’après cette étude, le début du printemps représente un risque plus élevé pour les chevaux présentant une sensibilité à la résistance à l’insuline ou une prédisposition aux fourbures. Cependant, l’étude ne porte sur l’analyse que d’une seule graminée fourragère. Il serait donc intéressant d’étendre cette étude à plusieurs graminées, voire de la réaliser sur une prairie multi-espèces pour déterminer les modèles d’évolution des sucres dans les graminées au cours du temps.
L’évolution des teneurs en sucres entre le matin et l’après-midi indique bien une tendance pour le dactyle à ce que la prairie soit plus riche en sucres l’après-midi sans pour autant que cela soit significatif pour les fructanes, le fructose et le glucose.

 

En savoir plus sur le protocole

Quel était le protocole exactement?

protocole kagan

Prélèvements :

Du dactyle, graminée fourragère, que l’on retrouve couramment sur les prairies naturelles, a été semé avec une concentration de 16,8 kg/hectare sur 4 parcelles expérimentales de 6,1 x 1,8 m en septembre 2006.
Ces parcelles ont reçu 112 kg d’azote/ha au printemps 2007. Les prélèvements ont été réalisés tous les 7 jours entre le 7 avril et le 2 juin 2007, le matin entre 8h et 10h et l’après-midi entre 16h et 17h.

Dans chacune des parcelles, l’herbe a été coupée à 7,5 cm au-dessus du sol dans quatre zones sélectionnées au hasard. Une partie des prélèvements a été congelée immédiatement pour arrêter les réponses cellulaires face au stress hydrique. Le reste de matière prélevée a séché à l’air dans une serre pour simuler la production de foin.

Analyse colorimétrique :

(cf encart bleu pour une explication plus détaillée)

Les teneurs en glucides hydrosolubles (WSC) et en glucides solubles dans l’éthanol (ESC) ont été dosées par des méthodes colorimétriques spécifiques.
Les teneurs en WSC comprenaient à la fois les fructanes et les sucres à chaînes courtes. Les teneurs en ESC ne comprenaient que les sucres solubles. Les fructanes ont été estimés en faisant la différence entre les teneurs en WSC et ESC.

Analyse HPLC :

(cf encart bleu pour une explication plus détaillée)

Sur l’autre moitié des échantillons, une analyse HPLC a été réalisée.
Pour cette analyse, les échantillons sont traités par extraction à l’eau bouillante. L’herbe récoltée est broyée.1g de cette herbe broyée est bouilli à 2 reprises pendant 15 minutes dans 15 mL d’eau pour en extraire les sucres. Le filtrat est ensuite concentré avant analyse HPLC. La même procédure est réalisée pour l’herbe qui a été séchée.
Les extraits sont analysés par chromatographie liquide sur colonne échangeuse d’anions avec une détection électrochimique.
Glucose, fructose, saccharose et fructanes sont dosés par rapport à des références (des produits purs de chaque élément qui permettent de faire une courbe d’étalonnage).

Les fructanes :

Chez les végétaux, les glucides sont présents dans chaque cellule et constituent la source principale d’énergie pour les herbivores qui les pâturent.
Ces glucides peuvent être de différentes sortes : fructose, saccharose, amidon, fructanes… Les fructanes, comme l’amidon, sont des glucides de réserve pour la plante. En effet, suite à la synthèse (la fabrication) du saccharose grâce aux glucides produits par la photosynthèse, ce dernier constitue la forme de transport des sucres au sein de la plante. Il est alors soit directement utilisé comme source d’énergie, soit transporté au niveau d’organes de stockage où il est le précurseur de la synthèse de molécules glucidiques de plus grande taille et non transportables. Ce sont les glucides de réserve. Ils ont l’avantage de pouvoir être rapidement convertis en énergie selon les besoins de la plante. Leurs concentrations peuvent donc varier au cours de la journée avec une alternance entre le stockage et l’utilisation, pour s’adapter aux besoins de la plante selon divers facteurs environnementaux.
Les fructanes sont des macromolécules formées par l’enchaînement de fructoses et de glucose. Ils présentent une grande diversité́ de structure selon l’espèce végétale qui les synthétise.
Ce sont des glucides un peu particuliers : ils ne peuvent pas être digérés par les enzymes digestives des mammifères. Ils sont donc fermentés par la flore du gros intestin. Par leur impact sur le tube digestif postérieur, ces glucides de réserve pourraient être une cause d’initiation de maladies métaboliques se traduisant notamment par des fourbures chez le cheval.

NSC, WSC et ESC :

Au contraire des fibres (lignine, cellulose, hémicellulose), les glucides non structuraux, comme leur nom l’indique, ne participent pas à la structure de la plante. En anglais, ils sont appelés « non structural carbohydrates », d’où l’abréviation « NSC ». Cette valeur est la somme des sucres, de l’amidon et des fructanes.
Les glucides solubles dans l’eau ou glucides hydrosolubles, c’est-à-dire ceux que l’on peut extraire en les faisant passer en solution aqueuse, sont appelés en anglais « water soluble carbohydrates » d’où leur abréviation WSC. Cela représente les fructanes et les sucres simples.
Les glucides solubles dans l’éthanol, c’est-à-dire que l’on peut extraire en les faisant passer dans des solutions contenant de l’éthanol, sont appelés en anglais « ethanol-soluble carbohydrates » d’où leur abréviation ESC. Cela représente les sucres simples (fructose, saccharose, glucose).
Donc NSC = WSC + amidon; Teneur en fructanes = WSC – ESC.

Dosage colorimétrique :

Faire réagir la molécule dont on veut connaître la teneur avec un réactif qui donne un produit dont l’intensité de coloration dépend de la quantité de l’élément que l’on souhaite doser.

Analyse HPLC :

Les molécules que l’on veut doser sont séparées selon leurs propriétés sur un support chromatographique. Dans le cas des sucres on utilise une résine échangeuse d’anions. Ainsi les sucres sont séparés en fonction du nombre de charge négative qu’ils portent. Ils sont ensuite dosés en traçant une courbe d’étalonnage avec un produit de référence.

En savoir plus sur les résultats

Quels sont les résultats ?

Evolution de la teneur en glucides hydrosolubles (WSC) :

Elle a été à son maximum au moment du prélèvement de fin avril (24% de la matière sèche) puis a diminué en variant de 9 à 15% pendant les 6 dernières semaines de l’expérience. Les comparaisons ont démontré que la teneur en glucides hydrosolubles était significativement plus élevée dans l’après-midi que dans la matinée sauf pour le 5 mai et le 2 juin.

Evolution de la teneur en fructanes :

Il y a une diminution globale de la teneur en fructanes au cours du printemps (de 8% de la matière sèche en avril à 1,7% de la matière sèche en juin).
Avec le dosage colorimétrique aucun effet significatif du traitement (frais/sec) ou du moment du prélèvement (matin/après-midi) n’a été observé.
En revanche avec la chromatographie (méthode d’analyse plus sensible), au début du printemps les extraits secs contiennent une concentration significativement plus importante de fructanes. Sur la base de la matière sèche, ils contiennent 33% plus de fructanes que les extraits frais pour le prélèvement du 14 avril et 50% de plus pour le prélèvement du 24 avril.
Pour un seul prélèvement (14/04) le taux de fructanes était significativement plus élevé l’après-midi (+ 40% par rapport au prélèvement du matin).

Fig 2 : Variation de la teneur en fructanes en fonction du traitement (A) et du moment de la journée (B)

Evolution des teneurs en sucres simples :

La date et l’heure du prélèvement ainsi que le traitement ont des effets significatifs sur les teneurs en glucides solubles dans l’éthanol (ESC).
Elles ont diminué de manière constante entre le 14 avril (11,2% de la matière sèche) et le 5 mai (5,9% de la matière sèche). Le taux le plus bas est observé le 2 juin à 4,3 % de la matière sèche.
La teneur était en moyenne 14% plus élevée l’après-midi (7,5% de la matière sèche) que le matin (6,5% de la matière sèche).
Enfin, la teneur en ESC était significativement moins élevée dans les extraits secs que dans l’herbe fraîche.
Parmi les glucides solubles dans l’éthanol, on retrouve le glucose. Un effet significatif du traitement sur les concentrations en glucose a été mis en évidence. Sur tous les prélèvements, à l’exception de celui du 5 mai, l’herbe fraîche est deux fois plus riche en glucose que les tissus secs.
La teneur en fructose, quant à elle, n’est affectée que par la date de prélèvement et le traitement. Les valeurs hebdomadaires du fructose sont assez similaires à celles du glucose. Les prélèvements analysés en frais contiennent en moyenne 50% plus de fructose que les extraits secs.
Dans les extraits secs, la teneur en saccharose est plus élevée le soir que le matin. En revanche, il n’est pas observé de différence significative pour les extraits analysés en frais. Les extraits secs sont plus riches en saccharose que les prélèvements analysés en frais.

Impact possible des modèles météorologiques sur les teneurs en sucres dans le dactyle :

Les plus faibles teneurs en sucres observées sont, d’après cette étude, corrélées à une remontée des températures (ce qui peut s’expliquer par une utilisation des glucides par la plante pour sa croissance lors des températures plus clémentes).

Références

Références

Cet article a été résumé par Angélique Decarpentry. Il a été relu par Aude Caussarieu et Stéphanie Ronckier. Les illustrations sont de Claire Béjat. Cet article a été édité par Stéphanie Ronckier.

Référence complète de l’article

A. Kagan, Isabelle & H. Kirch, Brett & Thatcher, Craig & Strickland, James & Teutsch, Chris & Elvinger, François & Pleasant, Scott, 2011. Seasonal and Diurnal Variation in Simple Sugar and Fructan Composition of Orchardgrass Pasture and Hay in the Piedmont Region of the United States . Journal of Equine Veterinary Science n°31, pp. 488-497.
L’article original

 

Les graminées (ou poacées) :

Les poacées, plus connues sous le nom de graminées, sont des plantes monocotylédones (avec un seul cotylédon, la première feuille qui apparaît à la naissance d’une plante, et qu’elle perd assez vite ensuite.) et herbacées. Une des particularités de cette famille est la multiplication végétative par tallage (c’est-à-dire par touffes). Les graminées sont une famille botanique très importante car elle compose l’essentiel de la flore des prairies. On retrouve dans cette famille le dactyle, la fétuque des prés, le ray-grass, le pâturin… De plus, les céréales comme le blé ou l’orge sont également des graminées.

Le dactyle (dactylis glomerata) :

Plante de prairie très commune. C’est une graminée fourragère ayant une persistance d’au moins 5 ans. Appréciée par les chevaux, elle supporte très bien la fauche et le pâturage. Elle tolère moyennement les sols humides mais résiste très bien au froid et au stress hydrique (le manque d’eau). Elle a une bonne vitesse d’implantation et tolère bien les sols acides. Son système racinaire est puissant et lui permet d’aller chercher l’eau en profondeur.

[Résumé] Quand l’herbe est-elle la plus riche ? – Kagan et al, 2011
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