Ingestion de sol chez les chevaux vivant au pâturage

Plusieurs chevaux en train de manger de l'herbe dans un pré.

Introduction

L’ingestion de sol chez les chevaux est une question qui mérite d’être étudiée en raison des problèmes sanitaires qu’elle peut engendrer, tels que des troubles gastro-intestinaux ou la présence de résidus d’agents dopants dans l’organisme des équidés. Alors que les conséquences pathologiques de l’ingestion de sol et de sable sont étudiées et bien connues, les facteurs entraînant une ingestion accrue de sol par les chevaux restent encore à déterminer.

Afin de combler le manque d’information à ce sujet, S. Jurjanz et ses collègues ont mené une étude préliminaire sur le lien entre la quantité d’herbe disponible et l’ingestion de sol chez les chevaux. 

Méthode

L’étude est réalisée de juillet à septembre 2017 dans une pâture irlandaise, sur six chevaux de sport irlandais adultes pesant en moyenne 619 kg.

Les chevaux sont répartis en binômes sur trois parcelles, chacune offrant une quantité d’herbe différente correspondant à 2, 3 et 4 % de leur poids moyen, ce qui suffit à couvrir leurs besoins. Les mesures s’effectuent sur trois périodes consécutives de seize jours. Au début de chaque période, les binômes entrent sur une nouvelle pâture et disposent de dix jours d’adaptation précédant six jours de prélèvements effectués sur les fèces de chaque individu. Les résidus de sol présents dans les crottins sont ensuite quantifiés.

Figure illustrant la rotation des chevaux sur les différentes parcelles. Durant la période 1 (jours 1 à 16), un binôme de chevaux pâture sur une parcelle offrant 2 % de leur poids en herbe, un autre sur une parcelle à 4 % et le dernier sur une parcelle à 3 %. Au cours de la période 2 (jours 17-32), les binômes changent d’offre fourragère. De même lors de la période 3 (jours 33-48). A terme, chaque binôme aura pâturé 16 jours sur chaque offre fourragère.
Figure 1. Protocole de l’étude : trois binômes de chevaux pâturent sur des parcelles offrant 2, 3 et 4 % de leur poids en herbe. Les binômes restent seize jours sur chaque parcelle.

Résultats

Les chevaux ont ingéré plus de sol dans les parcelles à 2 % (648 grammes/jour soit 4,5 % de l’ingéré quotidien) que dans celles à 4 % (543 grammes/jour soit 3,7 % de l’ingéré quotidien). Ces résultats suggèrent que plus l’offre fourragère est faible, plus le taux et la quantité de sol ingéré augmentent (p-value, p < 0,05).

Pour une hauteur d’herbe standardisée (11,9 cm en moyenne), le taux de sol ingéré est significativement plus bas au cours de la période 1 qu’au cours des périodes 2 et 3 : respectivement 3,3 % et 4,5 % de l’ingéré quotidien (p < 0,01). C’est également le cas pour la quantité de sol ingéré, qui est de 484 grammes/jour pour la première période et de 666 grammes/jour pour les deuxièmes et troisièmes périodes (p < 0,001).

En revanche, les résultats pour les parcelles à 3 % sont intermédiaires et ne présentent pas de différence majeure avec les parcelles à 2 et 4 %. 

Figure 2. Histogrammes présentant la quantité de sol ingéré quotidiennement en fonction de l’offre fourragère et de la période.

Discussion

Cette étude préliminaire interpelle sur la quantité relativement importante de sol ingéré par les chevaux. La période d’expérience faisant varier les résultats de manière significative, les auteurs suggèrent que des facteurs environnementaux entrent en jeu, comme cela a été démontré dans des études menées sur le bétail. Ils évoquent notamment les conditions climatiques et météorologiques, déterminantes pour la qualité des pâtures. Dans le cas des équidés, des recherches restent à mener pour combler le manque de données sur le sujet. En identifiant précisément les facteurs responsables d’une ingestion accrue de sol chez les chevaux, les chercheurs pourront mieux évaluer les risques que cela représente pour ces animaux.

En savoir plus sur le protocole

En savoir plus sur le protocole

La pâture utilisée dans cette étude est une prairie permanente de 2,6 hectares recouverte d’une végétation dominante de ray-grass (ou ivraie vivace).

La délimitation des parcelles attribuées se fait à l’aide de clôtures temporaires. Deux fils électriques sont déplacés tous les deux jours afin de pousser les chevaux vers le reste de leur pâture tout en leur bloquant l’accès à la partie précédemment broutée.

Figure illustrant le protocole de délimitation des parcelles. Les binômes de chevaux sont maintenus dans une partie de leur parcelle grâce à deux fils électriques déplaçables. Tous les deux jours, les fils sont décalés, permettant aux chercheurs de contrôler précisément et d’ajuster la hauteur de l’herbe offerte quotidiennement aux chevaux.
Figure 3. Protocole de la délimitation des parcelles à l’aide de fils électriques déplacés tous les deux jours

La quantité d’herbe est contrôlée en ajustant la superficie des parcelles. Avant l’arrivée des chevaux, toutes les parcelles offrent une hauteur d’herbe moyenne de 11,9 cm. Cette hauteur est convertie en une estimation de la biomasse d’herbe disponible sur chaque parcelle expérimentale, biomasse qui équivaut à 2, 3 ou 4 % du poids vif des chevaux. Quelle que soit l’offre fourragère, la biomasse d’herbe mise à disposition est suffisante pour couvrir la totalité des besoins journaliers des chevaux.

La hauteur de l’herbe est mesurée tous les deux jours lors du déplacement des fils électriques, avant et après le passage des chevaux, à l’aide d’un compteur de pâturage à plaque montante. L’herbe est tondue avant l’arrivée des chevaux pour la maintenir à une hauteur moyenne de 11,9 cm. Cette gestion permet d’offrir aux animaux une offre fourragère identique tout au long de chaque période de seize jours. À chaque nouvelle période, les chevaux sont pesés puis changés de pâture. La surface à offrir est alors calculée en fonction du poids vif des chevaux pour correspondre à la nouvelle offre fourragère.

Les cendres insolubles dans l’acide chlorhydrique sont couramment utilisées comme marqueur interne du sol afin de déterminer si une source d’alimentation contient des cailloux, du sable ou des particules similaires. Dans cette étude, le taux de cendres est quarante fois plus élevé dans le sol que dans l’herbe ; leur présence dans les crottins des chevaux est donc révélatrice de l’ingestion de sol, qui peut être quotidiennement quantifiée.

En savoir plus sur les résultats

En savoir plus sur les résultats

La hauteur de l’herbe est mesurée avant et après pâturage. Alors qu’elle est en moyenne de 11,9 cm sur chaque parcelle avant le passage des chevaux, elle n’est ensuite plus que de 3,1 cm sur les parcelles à 2 %, de 4,1 cm pour celles à 3 % et de 4,4 cm pour celles à 4 % (p < 0,05). Il semblerait donc que plus l’offre fourragère est faible, plus l’herbe est courte après pâture. Cela s’expliquerait par le fait que les chevaux compensent la faible surface d’herbe en broutant plus ras. Ils rapprochent donc leur bouche du sol et, par conséquent, ingèrent davantage de ce dernier.

Cette étude se heurte à quelques limites dont certaines sont mentionnées par les auteurs. Tout d’abord, des variations pourraient apparaître en fonction de la catégorie des chevaux étudiés, par exemple entre chevaux de trait et poneys de sport. Ensuite, les conditions de vie habituelles des chevaux, comme la vie en paddock ou en box avec un accès limité à une zone de sol nu quelques heures par jour, pourrait avoir un impact sur les chiffres obtenus. Enfin, les résultats pourraient différer en fonction de la méthode de gestion du pâturage employée. Par exemple, le ray-grass constitue un fourrage de qualité supérieure, très résistant au piétinement et qui stoppe sa croissance à partir de 25°C. Les chevaux pâturant sur une herbe moins résistante à leur passage ou sur du ray-grass dans des conditions de température plus élevée pourraient donc ingérer davantage de sol, car la surface ou la hauteur de l’herbe seraient réduites par rapport aux résultats de l’article.

Une limite dont l’article ne fait pas mention est celle des variables entrant en jeu au cours de chaque période de seize jours, comme les conditions climatiques et météorologiques. Il se peut que l’article se concentre sur les variables liées à l’herbe car elles sont facilement manipulables, contrairement aux facteurs extérieurs comme la météo, à la fois par les chercheurs et par les propriétaires de chevaux qui voudraient limiter l’ingestion de sol par leurs animaux. En effet, la variation de l’offre fourragère reflète des conditions de pâturage réalistes et des pratiques de gestion courantes, ce qui rend ces résultats pertinents du point de vue de la pratique agricole.

Note : Les résumés publiés sur le site Sciencesequines.fr sont issus d’études scientifiques qui sont parues dans des revues officielles et qui n’engagent que leurs auteurs. Nos rédacteurs.trices peuvent parfois y ajouter des commentaires qui sont systématiquement annoncés par le sigle NDLR (Note de la rédaction)

Références

Références

Cet article a été résumé par Sarah Leturmy et relu par Lucie Chazallon et Juliane Demellier.

Les illustrations sont de Lucie Chazallon.

La photo d’illustration est issue de Pexels.

Référence complète de l’article 

Jurjanz, S.; Collas, C.; Quish, C.; Younge, B.; Feidt, C. Ingestion of Soil by Grazing Sport Horses. Animals, 2021, 11, 2109. https://doi.org/10.3390/ani11072109

Quelques références intéressantes citées dans l’article

Beyer, N.W.; Connor, E.E.; Gerould, S. Estimates of Soil Ingestion by Wildlife. J. Wildl. Managem. 1994, 58, 375-382.

Eamens, G.J.; Macadam, J.F.; Laing, E.A. Skeletal abnormalities in young horses associated with zinc toxicity and hypocuprosis. Aust. Vet. J., 1984, 61, 205-207.

Kilcoyne, I.; Dechant, J.E.; Spier, S.J.; Spriet, M.; Nieto, J.E. Clinical findings and management of 153 horses with large colon sand accumumations. Vet. Surg., 2017, 46, 860-867.Takai, S.; Zhuang, D.; Huo, X.W.; Madarame, H.; Gao, M.H.; Tan, Z.T.; Gao, S.C.; Yan, L.J.; Guo, C.M.; Zhou, X.F.; et al. Rhodococcus equi in the soil environment of horses in Inner Mongolia, China. J. Vet. Med. Sci., 2006, 68, 739-742.

[Résumé] Ingestion de sol par les chevaux de sport au pâturage – Jurjanz Stefan et al., 2021
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